Les Cossin de Belle Touche dans la tourmente, l’histoire et les actes

Ecrit par

Brigitte Billard

Publié le

Temps de lecture : 17 minutes


Je vous ai parlé dernièrement de la mort de Felix Cossin de Belle Touche le 6 août 1793, à la Gandinière, commune de Gourgé, la métairie où habitait mes ancêtres Pierre Reau et Louise Dixneuf. J’avais également mentionné la présence de sa mère, Jeanne Angélique Rocquet, lors du mariage d’une des filles du couple en 1786.

Avant d’aller plus loin, et d’essayer de retrouver le lien entre les deux familles, j’ai voulu en savoir plus sur cette famille, sur les Cossin de Belle Touche. Ils ont les honneurs du Dictionnaire historique et généalogique des familles du Poitou, le célèbre – pour les généalogistes poitevins du moins – Beauchet-Filleau.

Dans cette famille, je connais déjà l’épouse, Jeanne-Angélique, et le fils ainé, Felix-Adrien.

Quand on lit cette chronique, dont on trouve d’autres versions sur internet, sur des sites vendéens, mais également dans une biographie consacrée à Charles Joseph Chaubier de Larnay, le destin de la famille a été tragique pendant les guerres de Vendée.

Résumons.

Le fils ainé Felix est mortellement blessé près de Parthenay. Le second, âgé de 14 ans, meurt pendant la prise du Pont-Fouchard, à Saumur. Les quatre soeurs quittent la demeure familiale – laquelle, celle de Chatillon-sur-Sèvre ? – et suivent l’armée vendéenne ….

La version Beauchet-Filleau est assez peu précise, et surtout, elle manque des détails tragiques qu’on trouve dans la biographie de Charles Joseph Chaubier de Larnay. Je ne résiste pas au plaisir un peu coupable de vous partager ces pages.

Le récit de la vie de Catherine Cossin et ses soeurs, avant son mariage

LA FAMILLE COSSIN DE BELLE-TOUCHE.
Dans cette même année, une jeune fille, orpheline, échappée comme par miracle aux massacres et aux malheurs de la Vendée, était venue chercher un asile dans les murs de Poitiers, chez une tante qui demeurait non loin de la maison Chaubier de Larnay. De communes afflictions, la convenance des familles, le rapport des qualités, toutes circonstances que le voisinage donna bientôt occasion d'apprécier de part et d'autre, déterminèrent et firent agréer les intentions de Charles-Gabriel, qui épousa, le treize octobre, demoiselle CATHERINE COSSIN DE BELLE-TOUCHE, d'une famille noble et ancienne, établie dès le quinzième siècle en Poitou et à Parthenay notamment , où elle a rempli diverses charges.
La famille Cossin porte : d'or à trois têtes de milan arrachées, de gueulé, deux en chef, une en pointe, le bec ouvert, la langue tirée, d'argent.
Le père de Catherine, Charles Lezin Cossin, Sieur de Belle-Touche, Conseiller du Roy en la Chambre des comptes de Bretagne à Nantes, avait épousé, le dix-huit octobre 1762, en l'église de Saint-Jean de Maulévrier, demoiselle Jeanne-Angélique Rocquet de Menteurs de Maison-Neuve , dont il eut dix enfants : une fille morte à cinq ans, deux fils enlevés dès le berceau, et deux fils et cinq filles qui lui survécurent.
CATHERINE COSSIN , SES FRÈRES ET SES SŒURS.
Charles Lezin mourut à Châtillon-sur-Sèvre, le sept mai 1784. Catherine, née à Châtillon , le quinze novembre 1779, fut élevée avec ses deux frères et ses quatre sœurs par leur courageuse mère, qui prodigua ses soins les plus dévoués à ses enfants, qu'elle eut la douleur de laisser complètement orphelins, rendant son âme à DIEU le deux
septembre 1793.
C'est une sombre et terrible date pour la France, tombée alors en proie à la plus horrible des révolutions. Ce fut une époque désastreuse pour l'héroïque Vendée, qui se mit en arme et qui sacrifia tout à la défense de la Religion de ses pères.
Félix-Adrien, l'aîné des frères de Catherine, à peine la guerre commencée, recevait une blessure mortelle et expirait à vingt ans, à la ferme des Gaudinières, commune de Gourgé, où l'avaient transporté sur un brancard quelques paysans vendéens.
Peu de temps après, Etienne-Emmanuel, l'autre frère, âgé seulement de quatorze ans, incorporé dans un régiment de cavalerie vendéenne, tombait à l'attaque du Pont-Fouchard, à Saumur, atteint de plusieurs coups de sabre, qui l'étendirent mort sur la place.
Tandis que leurs frères quittaient ainsi la vie, les cinq jeunes filles, Marie-Anne, âgée de vingt-cinq ans, Louise-Jeanne, de vingt-un ans, Julie-Henriette, de dix-neuf ans, Térèse- Louise, de quinze ans, Catherine, de quatorze ans à peine, travaillaient nuit et jour à préparer les vivres, les munitions, les remèdes, chaque maison de la Vendée étant devenue une hôtellerie, un arsenal ou une ambulance.
Mais, les armées révolutionnaires promenant partout la torche incendiaire, il fallut fuir, et les pauvres filles, après avoir enfoui ce qu'elles avaient de plus précieux, s'éloignèrent en pleurant de la maison paternelle, maison très-remarquable, qui, le lendemain, était dévorée par les flammes.
Les voilà maintenant réunies à toute la population vendéenne, marchant à la suite des armées royalistes, vivant au milieu des camps, recevant leurs rations comme le soldat, passant la nuit où et comme elles pouvaient.
Quand les troupes vendéennes étaient refoulées par les soldats de la république, les femmes, les enfants, les vieillards ne réussissaient pas tous à se sauver. Il en périssait même un grand nombre.
Dans une de ces rencontres, Louise et Térèse tombèrent entre les mains des bleus. Térèse fut choisie pour être la première victime. Elle était à genoux, recommandant son âme à Dieu ; l'arme allait faire feu, quand Louise se précipite sur le soldat et fait dévier le coup. Elle joint ensuite les reproches à l'action. Son courage frappe les farouches ennemis de stupeur, et les deux sœurs sont sauvées.
Un peu plus tard, sous les murs du Mans, Julie est obligée de se défendre contre des soldats qui veulent lui ôter plus que la vie. Mais si grande est alors l'énergie de la jeune fille, que l'un de ces bourreaux, furieux, enroule autour de son sabre les longs cheveux de sa victime, qui se sont dénoués dans la lutte, et la traîne impitoyablement par de rudes sentiers, où il la laisse enfin dans le plus triste état.
Ses sœurs, qui sont accourues, la prennent dans leurs bras et à la faveur des ténèbres la transportent dans une ferme voisine, où, à l'insu du maître, elles la déposent sur de la paille dans une étable ouverte et passent toute la nuit en prières dans ce lieu. Mais le jour trahit leur retraite. Des soldats républicains, qui rôdaient dans la campagne, les découvrent, s'emparent d'elles et les amènent au Mans, où, arrachées avec peine à la populace des rues, elles sont jetées en prison. Encore n' ont-elles pas la consolation d'y être réunies, Louise et Térèse ont été cruellement séparées de leurs sœurs. Catherine et Marie sont renfermées dans l'église de la Couture, convertie en lieu de détention, avec leur sœur Julie mourante, pour qui elles ne peuvent obtenir aucun soulagement, et qui ne tarde pas à expirer sous leurs yeux.
Mais son corps même est resté pur, - et son âme sans doute a été reçue glorieusement parmi le chœur des Vierges qui suivent l'Agneau sans tache partout où il va.
Cependant les prisons du Mans regorgeant de captifs, et les cadavres s'y trouvant bientôt entassés, la municipalité fit publier que tout citoyen qui voudrait alléger les charges de l'Etat serait admis à réclamer des prisonnières vendéennes à la condition de les nourrir.
Marie et Catherine tombèrent ainsi entre les mains d'une couturière qui les faisait travailler sans relâche, sous peine d'être privées de leur pain de la journée, si elles se reposaient un instant. Ce n'était point toutefois le plus triste côté de leur position. Elles comprirent vite chez quelle sorte de femme elles se trouvaient. Prenant donc leur parti sans hésiter, elles se dérobèrent résolûment, se confiant en la divine Providence. En effet, de bonnes familles s'intéressèrent à elles et les placèrent chez d'honnêtes artisans, où les secours ne leur manquèrent pas.
Elles vécurent ainsi près de deux ans dans l'obscurité, sans nouvelles du pays, sans rien savoir non plus de leurs deux autres sœurs, qu'elles désespéraient de revoir jamais.
Ce ne fut que lors de la pacification de la Vendée, et au moment où elles s'apprêtaient pour rentrer dans leurs foyers, qu'elles apprirent que Louise et Térèse, arrachées à un malheur imminent par la générosité d'un officier républicain digne de marcher avec ceux qu'il était obligé de combattre, vivaient encore, cachées sous le costume de bergères dans une ferme de la Bretagne.
Elles se furent bientôt mises en rapport ensemble, et elles se donnèrent rendez-vous à Chinon, auprès d'un oncle, Torterue de Langardière, bon vieillard, qui fut touché de leur malheur et qui choisit l'aînée d'entre elles, Louise, pour être, à titre de belle-fille, l'appui de ses derniers jours.
Marie, Térèse et Catherine retournèrent à Maulévrier, où elles ne trouvèrent plus qu'une ville presque toute réduite en cendre, et quelques pans de murs noircis par le feu, seuls restes de leur maison paternelle. Sans se laisser abattre, elles se construisent de leurs propres mains avec des débris de charpente un petit logement qui leur sert d'abri jusqu'à ce qu'elles aient pu relever la maison de ses ruines.
Telle avait été la vie d'agitation et d'épreuves et aussi de courage et de foi des demoiselles Cossin de Belle-Touche. La forte et chrétienne éducation qu'elles avaient reçue les rendit capables de supporter tant de maux qui les vinrent assaillir si jeunes encore et dans un si affreux isolement.
Marie, l'aînée, fille d'un grand caractère, avait été la providence de ses sœurs ; mais Catherine, la plus jeune, ne l'avait cédé à aucune en vigueur, en fermeté, en décision. Ses sentiments religieux s'augmentèrent en raison de ce qu'elle avait vu et enduré. Sa reconnaissance pour DIEU qui l'avait sauvée de tous les périls fut sans bornes. D'autre part, les désastres et les atrocités dont elle avait été témoin et victime lui inspirèrent beaucoup d'éloignement pour ce qu'on appelle les joies du monde, la remplirent de dégoût pour les choses de la terre, et la disposèrent à cette vie toujours principalement occupée de DIEU, à cette vie chrétienne avant tout, qu'elle devait ensuite s'appliquer avec tant de zèle et de succès à faire aimer de ses propres enfants.
Lorsque la maison paternelle fut rebâtie à Maulévrier , Catherine la quitta, y laissant ses sœurs Marie et Térèse, et vint à Poitiers, sur les instances d'une tante, de la famille de Tudert, qui désirait vivement la voir et .qui voulait même la garder.
Ce fut là qu'elle connut Charles-Gabriel Chaubier de Larnay, à qui elle s'unit en mariage et qui eut d'elle trois enfants : Charles-Joseph, Louise et Victor- Marie.

Gallica – Titre :  Vie de M. Charles-Joseph Chaubier de Larnay, chanoine, théologal de la cathédrale de Poitiers / par M. Ath.-Aug. Guillet,… Auteur  :  Guillet, Athanase-Augustin (Abbé). Auteur du texte Éditeur  :  Impr. de H. Oudin frères (Poitiers) Date d’édition :  1878

C’est bon, vous pouvez ranger les mouchoirs.

Ce texte est issu d’une biographie rédigée par l’abbé Athanase Augustin Guillet, qui vient faire l’éloge de Charles-Joseph Chaubier de Larnay, chanoine de la cathédrale de Poitiers, et fondateur de l’institut de Larnay, à Poitiers. Le style et le récit sont fortement orientés mais au-delà du récit, est il possible de reconstituer à partir de cette histoire la vie et les drames que la famille a réellement vécus?

Je me suis donc attachée à retrouver les actes disponibles en ligne.

Confronter le récit aux sources disponibles


Le récit

Les dates

Les sources


La famille Cossin porte : d’or à trois têtes de milan arrachées, de gueulé, deux en chef, une en pointe, le bec ouvert, la langue tirée, d’argent.

inventaire.nouvelle.aquitaine.fr – Eglise de Biard – Armes des Cossin Belletouche

Le père de Catherine, Charles Lezin Cossin, Sieur de Belle-Touche, Conseiller du Roy en la Chambre des comptes de Bretagne à Nantes, avait épousé, le dix-huit octobre 1762, en l’église de Saint-Jean de Maulévrier, demoiselle Jeanne-Angélique Rocquet de Menteurs de Maison-Neuve , dont il eut dix enfants : une fille morte à cinq ans, deux fils enlevés dès le berceau, et deux fils et cinq filles qui lui survécurent.

18/10/1762

AD49 – BMS Maulévrier 1742-1789 – vue 223/542

Le mariage est célébré par Jean-Pierre Cossin

Mariage religieux le 18 octobre 1762, en présence du frère et de deux soeurs de l’époux, d’un frère et d’une soeur de l’épouse

L’épouse est Jeanne Angélique Rocquet de Montour, originaire de Maulévrier.


Charles Lezin mourut à Châtillon-sur-Sèvre, le sept mai 1784. Catherine, née à Châtillon , le quinze novembre 1779, fut élevée avec ses deux frères et ses quatre sœurs par leur courageuse mère, qui prodigua ses soins les plus dévoués à ses enfants, qu’elle eut la douleur de laisser complètement orphelins, rendant son âme à DIEU le deux septembre 1793.

07/05/1784

15/11/1779

02/09/1793

Les registres de Châtillon-sur-Sèvre – ou de Mauléon, l’autre nom de la commune – sont partis en fumée. Impossible de mettre la main sur l’acte de décès de Charles Lézin, le père de famille, ni sur les actes de naissance des enfants. Je note que les dates reprises dans le Beauchet-Filleau semblent fausses.

Ici, la mort de Charles Lézin est indiquée comme datant du 7 mai 1784, et celle de son épouse du 2 septembre 1793. Dans le Beauchet-Fillon, c’est Charles Lézin qui est indiqué comme décédé le 2 septembre 1793, ce que je savais faux. En effet, en 1786, son épouse Jeanne Rocquet, qui assiste au mariage de Marie, la fille de mes ancêtres, est dite veuve Cossin de Belle Touche. La date du 7 mai 1784 semble plus probable. Pourrai-je retrouver un inventaire après décès, ou un document de succession pour attester cet événement ?


Félix-Adrien, l’aîné des frères de Catherine, à peine la guerre commencée, recevait une blessure mortelle et expirait à vingt ans, à la ferme des Gaudinières, commune de Gourgé, où l’avaient transporté sur un brancard quelques paysans vendéens.

26/08/1793

AD79 – Décès Gourgé 1793 – an X – vue 5/121

Je ne suis pas sûre des paysans vendéens, mais pour le reste de l’histoire, l’acte a été retrouvé.


Peu de temps après, Etienne-Emmanuel, l’autre frère, âgé seulement de quatorze ans, incorporé dans un régiment de cavalerie vendéenne, tombait à l’attaque du Pont-Fouchard, à Saumur, atteint de plusieurs coups de sabre, qui l’étendirent mort sur la place.

10/06/1793

L’attaque de Saumur par les troupes de La Rochejacquelain a eu lieu le 10 juin 1793 – donc avant le décès de Felix-Adrien.

Dans l’ouvrage « La Loire historique…  » pages 630 et suivantes, il y a un récit assez détaillé de la journée des combats. Une mention est faite des pertes des Vendéens.

Il ne faut pas croire toutefois que la victoire de Saumur n'ait pas coûté de grands sacrifices à l'armée vendéenne : si trois mille républicains succombèrent dans cette journée, deux milles rebelles y perdirent la vie. Lescure lui-même fut blessé; Baudry d'Asson périt dans la division Sapineau; et Cossin-Belletouche succomba à la blessure qu'il avait reçue près de Varrains

Les registres de Saumur de l’époque ont partiellement été détruits. Il semble qu’il n’y a pas de liste des victimes de cette journée de combat.


Tandis que leurs frères quittaient ainsi la vie, les cinq jeunes filles, Marie-Anne, âgée de vingt-cinq ans, Louise-Jeanne, de vingt-un ans, Julie-Henriette, de dix-neuf ans, Térèse- Louise, de quinze ans, Catherine, de quatorze ans à peine, travaillaient nuit et jour à préparer les vivres, les munitions, les remèdes, chaque maison de la Vendée étant devenue une hôtellerie, un arsenal ou une ambulance.

Mais, les armées révolutionnaires promenant partout la torche incendiaire, il fallut fuir, et les pauvres filles, après avoir enfoui ce qu’elles avaient de plus précieux, s’éloignèrent en pleurant de la maison paternelle, maison très-remarquable, qui, le lendemain, était dévorée par les flammes.

21-31/01/1794

Par recoupements, il s’avère que la maison « paternelle » est en fait une belle maison bourgeoise à Maulévrier, la commune dont est venu Stofflet, un autre des chefs du soulèvement vendéen. Ce manoir est devenu depuis la mort de son héritière une maison de retraite, sise rue Cossin de Belletouche.

Le manoir d’origine a été brûlé par les républicains en 1794, il n’en reste que le porche d’entrée.

Vendeensetchouans.com

On connait la date de l’arrivée de la sixième colonne infernale, celle du général Caffin, à Maulévrier, le 21 janvier 1794. Le 31 janvier 1794, la quasi totalité de la commune est incendiée.

C’est vraisemblablement à cette période que les cinq sœurs Cossin de Belletouche fuient avec l’armée vendéenne.


Des soldats républicains, qui rôdaient dans la campagne, les découvrent, s’emparent d’elles et les amènent au Mans, où, arrachées avec peine à la populace des rues, elles sont jetées en prison. […]

Catherine et Marie sont renfermées dans l’église de la Couture, convertie en lieu de détention, avec leur sœur Julie mourante, pour qui elles ne peuvent obtenir aucun soulagement, et qui ne tarde pas à expirer sous leurs yeux.

Que s’est il vraiment passé une fois que les jeunes femmes ont quitté Maulévrier?

Quelle est la part de la vérité et celle de la légende familiale ? Louise a t’elle fait face aux soldats républicains, qui les ont épargnées ? La tentative de viol sur Julie n’est pas étonnante, mais ne peut être bien sûr confirmée.

Je n’arrive pas non plus à confirmer le passage dans les prisons du Mans, ni à trouver un acte de décès concernant Julie.

Même si les récits ont été enjolivés, et transformés en légendes, il y a probablement une part de vérité, concernant l’errance de ces jeunes femmes, et la mort d’une d’entre elles.

Peut-être une plongée dans la cote L des archives de la Sarthe pourrait elle m’apporter des éléments de réponse.


Elles vécurent ainsi près de deux ans dans l’obscurité, sans nouvelles du pays, sans rien savoir non plus de leurs deux autres sœurs, qu’elles désespéraient de revoir jamais.

Ce ne fut que lors de la pacification de la Vendée, et au moment où elles s’apprêtaient pour rentrer dans leurs foyers, qu’elles apprirent que Louise et Térèse, […], vivaient encore, cachées sous le costume de bergères dans une ferme de la Bretagne.

Elles se furent bientôt mises en rapport ensemble, et elles se donnèrent rendez-vous à Chinon ….

Cette fois ci clairement la chronologie des faits racontés n’est pas possible.

Les demoiselles Cossin ont probablement quitté Maulévrier fin janvier 1794.

On peut considérer la fin de la guerre de Vendée, ou du moins de la première partie, à la signature du traité de la Jaunaye, le 17 février 1795, quand la Convention accepte la liberté de culte et l’exemption de conscription sur le territoire vendéen. C’est probablement après cette signature que les demoiselles Cossin quittent leurs « prisons » en Bretagne ou près du Mans, pour se réfugier à Chinon.

Ca ne fait pas deux ans, mais un an.


Elles se furent bientôt mises en rapport ensemble, et elles se donnèrent rendez-vous à Chinon, auprès d’un oncle, Torterue de Langardière, bon vieillard, qui fut touché de leur malheur et qui choisit l’aînée d’entre elles, Louise, pour être, à titre de belle-fille, l’appui de ses derniers jours.

14/11/1795

AD37 – NMD Beaumont-en-Veron 1793-an V – vue 209/282

La seconde des demoiselles Cossin, Louise, qui avait partagé le sort de Thérèse – en Bretagne ? – et avait sauvé sa soeur en se jetant devant le fusil des républicains – vraiment ?? – Louise Jeanne épouse le 14 novembre 1795 à côté de Chinon son cousin germain, Joseph Torterue, fils de Pierre Joseph Torterue – le « bon vieillard » du récit et de Marie Thérèse Françoise Cossin de Saint Martin, sa tante paternelle, décédée en 1774.

Sont présentes à l’acte les trois soeurs survivantes de Louise : Marie Anne, Thérèse et Catherine, ainsi que la tante maternelle des jeunes femmes, Louise Rocquet.

Quoiqu’il se soit passé pendant l’errance des jeunes filles, elle n’a duré que de février 1794 au novembre 1795, au maximum.


Et après ?

  • Marie Anne, l’ainée des soeurs, retourne avec Thérèse et Catherine à Maulévrier, où les trois soeurs semble t’il s’occupent de faire reconstruire la maison familiale. Elle est probablement née vers 1770, à Mauléon (Châtillon-sur-Sèvre) dont les registres paroissiaux ont disparu. Marie Anne ne se marie pas. C’est apparemment elle qui a hérité de la maison familiale, sans que j’ai pu pour l’instant retrouver la succession qui en atteste. Marie Anne reste à Maulévrier jusqu’à sa mort, le 1er janvier 1849. Elle est inhumée dans la chapelle attendante au manoir de l’Ougerie, la maison familiale.
  • Louise Jeanne s’est mariée le 23 brumaire an 4. Sans enfant, elle meurt le 5 octobre 1849 dans sa maison, à Chinon, rue Haute St Maurice. Selon la table de successions, elle aurait fait de son neveu Charles Joseph Chauvier de Larnay, chanoine à Poitiers, son légataire universel. Pour savoir ce qu’elle lui a légué, il faudrait que j’obtienne une copie de la succession.
  • Thérèse est née vers 1778 à Maulévrier, même si je n’ai pas retrouvé d’acte la concernant. Elle s’est fait un nom comme protectrice attitrée de la Petite Eglise en Vendée, comme l’explique le livre « La petite église dans la Vendée et les Deux-Sèvres » . La « Petite Eglise » est un phénomène religieux, qui trouve son origine au moment du Concordat en 1801. Un certain nombre d’évêques, dont monseigneur de Coucy, évêque de La Rochelle, refusent les dispositions du concordat. Or l’évêque de La Rochelle, avant la Révolution et le Concordat, qui redécoupe les évêchés dans le Poitou, était l’évêque de Mauléon et Maulévrier, villes d’origine des demoiselles Cossin. Autour de Bressuire, dans le bocage, le clergé réfractaire à ce concordat, et les paysans entrent en dissidence. Cela ne concerne certes que peu de monde, mais il est étonnant de constater qu’aujourd’hui encore, la Petite Eglise compte quelques fidèles, essentiellement autour de Courlay, commune des Deux-Sèvres. Ajoutons que les demoiselles avaient un oncle paternel, Jean-René Cossin, chanoine doyen de la Rochelle, qui s’était réfugié à Nantes fin 1792 et y résidait quand le 12 avril 1793, il fut dénoncé et arrêté, sur l’accusation qu’il confessait et disait la messe. Incarcéré aux Carmélites, il fut noyé le 16 novembre 1793.

Voici ce qu’on peut lire sur Thérèse.

En Vendée, la protectrice attitrée de la Petite Eglise est Mlle Thérèse Cossin. Née à Maulévrier en 1778, d'une famille noble quelque peu apparentée à M. de Thémines, Mlle Cossin habitait Saint-Martin-Lars-en Tiffauges, fief de l'abbé Benéteau. Suspecte, sous l'Empire, d'entretenir des relations épistolaires avec des prêtres dissidents réfugiés à l'étranger, elle fut arrêtée, avec sa sœur ainée, le 5 juillet 1813, et transférée aux Pénitentes d'Angers, où elle séjourna trois mois.  La démission de M. de Coucy troubla profondément la famille Cossin. Trois des demoiselles, sur quatre, ébranlées par les lettres de leur ancien évêque, se rallièrent à l'Eglise officielle. Seule, Mlle Thérèse ne céda pas. Elle rompit toutes relations avec ses sœurs. Elle jouissait d'une haute considération parmi les habitants de Saint-Martin. L'abbé Benéteau ne jugeait que par elle. Mlle Cossin éleva à ses frais, en plein bourg, une chapelle assez vaste. Elle importuna de ses lettres, pétitions et réclamations, les préfets, les princesses, les ministres et le Roi lui-même. Elle s'ingénia, comme Mlle de la Haye-Montbaut, à procurer, à tout prix, aux fidèles de son parti, des prêtres de toute provenance. Les déboires qu'elle connut dans ce genre de prosélytisme n'entamèrent point sa foi. L'âge ne ralentit point son zèle. Elle mourut en juillet 1869, à 91 ans, et les dissidents la pleurèrent comme une mère.

Quel personnage étonnant. Il est intéressant de noter que les quatre soeurs ont tout d’abord choisi la dissidence religieuse, avant pour trois d’entre elles de retourner dans l’église « officielle » à la suite de monseigneur de Coucy.

Mais l’histoire de Thérèse ne s’arrête pas là, comme on le découvre dans les journaux. Thérèse a légué sa fortune à un instituteur, un certain Maingret, adepte de la Petite Eglise, pour continuer son œuvre, et la famille Cossin attaque – en vain – le testament.

Gallica – Le Figaro du 7 septembre 1872
Gallica – Le Constitutionnel du 5 novembre 1872
  • Catherine, enfin, est la plus jeune de la fratrie. On sait beaucoup de choses d’elle, puisqu’elle a eu un enfant célèbre, le chanoine Charles Joseph Chaubier de Larnay. Catherine nait le 15 novembre 1779 à Châtillon-sur-Sèvre, ou Mauléon si vous préférez. Après les aventures tragiques qu’elle a partagées avec ses sœurs, elle est partie vivre à Poitiers chez une tante ou une cousine éloignée, et a épousé un jeune homme de son milieu, de retour d’immigration. Ensemble ils ont eu trois enfants : Charles-Joseph (1802-1862), Louise (1804-1824) et Marie Victor (1806-1845). Son époux meurt en 1822. Sa fille, malade depuis longtemps, s’éteint l’année de ses 20 ans. Charles-Joseph commence son droit, mais la foi catholique très ancrée dans la famille prend le dessus, et le jeune homme entre dans les ordres. Peu de temps après, son frère suit le même chemin. Catherine, la seule des Cossin de Belle Touche à avoir eu des enfants, est la mère de deux prêtres. Mais pas n’importe quels prêtres, ils ont une place assez importante dans la vie religieuse de Poitiers. Marie Victor sera chanoine de l’église Sainte Radegonde, mon église poitevine préférée, puis de la cathédrale de Poitiers. Quand à Charles-Joseph, il a suffisamment marqué son temps pour qu’on lui consacre une monographie. Il a entre autres consacré beaucoup de son temps et de son énergie, et la quasi totalité de la fortune de sa famille, tant paternelle que maternelle, dont il était héritier – à l’Œuvre de l’éducation des sourdes-muettes et des jeunes aveugles. En 1847, il met à disposition la propriété familiale de Biard, près de Poitiers, pour que des petites filles sourdes-muettes puissent bénéficier de l’enseignement dispensé par les religieuses de la congrégation des Filles de la Sagesse. Cette institution existe toujours aujourd’hui.

Catherine Cossin décède le 4 décembre 1867, à Tours, à son domicile. Elle est la dernière de la branche Cossin de Belletouche. Sur la table des successions de Tours, il est indiqué que son héritière est une certaine Hélène Herminie Malley à Tours, qui doit recevoir un legs de 3 497,80 francs. Il semble aussi y avoir des biens à Châtillon. Dans le recensement de Tours en 1872, je trouve une Hélène Malley, religieuse du Sacré Cœur de Jésus, mère supérieure des soeurs enseignantes. Comme pour ses sœurs et son fils, il semble que toute la vie de Catherine a tourné autour de sa foi catholique.

Les recherches menées sur la famille Cossin de Belle Touche ne m’ont pas encore permis de retrouver le lien entre les biens de cette famille et la métairie de la Gaudinière.

Pourtant, il y a un lien, dont j’ai trouvé la confirmation dans l’inventaire après décès de Charles Cossin, seigneur d’Oroux, l’oncle de Charles Lézin Cossin de Belle Touche, et le conservateur des papiers de famille. Il faudrait également que je me procure les différents contrats de mariage et déclarations de successions que j’ai vu passer pendant mes recherches.

L’enquête continue et si elle vous semble s’éloigner de Gourgé, ce n’est je l’espère que pour mieux y revenir.

Sources et liens


2 réponses à “Les Cossin de Belle Touche dans la tourmente, l’histoire et les actes”

  1. Cam

    Bonjour,
    Si vous cherchez des sources sur les soldats vendéens, prenez le temps de consulter les archives de la Vendée qui ont numérisé beaucoup de documents du SHD. Il existe notamment des listes de pension que les veuves de soldats vendéens tués au combats ont pu recevoir plus tard. J’y ai ainsi découvert que certains de mes ancêtres avaient combattu du côté vendéen.

    1. Brigitte

      Merci de l’idée, je vais voir ce que je trouve
      Bonne fin d’année
      Brigitte

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