Première plongée dans la généalogie au Royaume-Uni

Ecrit par

Brigitte Billard

Publié le

Temps de lecture : 6 minutes




L’arbre de mes enfants plonge ses racines dans de nombreux pays hors de France : Italie, Espagne, Pays-Bas, Belgique, Allemagne, Suisse, Ukraine, Algérie. Mais je n’avais encore jamais eu l’occasion de faire des recherches dans les archives du Royaume-Uni jusqu’à présent.

C’est une nouvelle compétence que je suis en train d’apprendre. Au printemps de cette année, j’ai commencé à aider ma tante – l’épouse du frère de maman – à en savoir plus sur son grand-père anglais.

Elle savait, grâce à son acte de mariage en 1911, en France, avec une jeune fille française, où et quand il était né – le 14 juillet 1890 à Londres, dans le quartier de Camden – et elle connaissait le nom de ses parents : Albert George Brooker et Jane Ann Farrell. Mais elle ne savait pas comment obtenir l’acte de naissance de son grand père, ni comment en savoir plus. Sa mère, petite fille, avant guerre, allait parfois dans sa famille paternelle, mais les liens n’avaient pas été conservés.

Comme je ne doute de rien, je me suis attelée à la tâche, et je suis partie à la recherche de l’acte de naissance du grand père, Albert George Brooker, à partir des informations de son acte de mariage.

AD78 – Mariages Poissy 1911

… le sieur Brooker Albert, George, jockey, domicilié à Carrières-sous-Poissy, né à Gloucester Street, cinquante six (Angleterre) le quatorze juillet mil huit cent quatre vingt dix agé de vingt ans, fils mineur de Albert George Brooker et de Jane Ann Brooker née Farrell …

Ma tante savait que la Gloucester Street en question se trouvait à Londres, élément important omis dans l’acte de mariage. Elle avait d’ailleurs écrit à la mairie de Londres pour demander une copie de l’acte de naissance, sans succès bien évidemment.

Je dispose d’un abonnement Ancestry – abonnement World Explorer, qui ne me donne accès ni aux journaux en ligne, ni aux informations militaires – que j’ai utilisé pour chercher l’information.

Recherche dans Ancestry.com

J’ai rapidement eu une réponse intéressante, mais j’ai vite compris que c’était un index qu’on me proposait, qui allait me permettre de commander le certificat de naissance, et que je n’avais aucune possibilité de consulter ce certificat en ligne.

Un peu perdue, j’ai posé quelques questions, principalement à Marie Cappart, généalogiste professionnelle, grande connaisseuse des archives anglaises, j’ai acheté son guide « Retrouver ses ancêtres en Grande-Bretagne », et j’ai admis que j’allais devoir sortir ma carte bancaire, qui s’est avérée obligatoire pour me permettre d’avancer.

Si vous faites des recherches au Royaume-Uni, il est quasiment impossible que vous n’ayez pas à payer, à un moment ou un autre, pour recevoir un certificat de naissance, mariage ou décès. Et c’est valable même si comme moi vous avez déjà un abonnement chez Ancestry et chez MyHeritage ….

L’état civil anglais commence au 1er juillet 1837, et il est semble t’il entièrement indexé. Indexé, mais pas en ligne. Si vous souhaitez obtenir un certificat de naissance, mariage ou décès, vous allez devoir le localiser, puis le commander, en ligne, de préférence sur le site officiel. Comme en France, des officines commerciales vous proposent de passer par elles pour commander le document localisé, ne vous laissez pas convaincre, elles sont deux à trois fois plus cher que le tarif normal.

Vous pouvez essayer d’éviter l’achat du certificat en trouvant l’acte dans les registres paroissiaux, qui sont partiellement en ligne. Mais retrouver la bonne paroisse à Londres pour Gloucester Street en 1890, pour ma première recherche, c’était un peu compliqué.

Je n’ai pas commandé le certificat de naissance en utilisant le lien commercial que me proposait gentiment Ancestry – pour la modique somme de 25 GBP – mais comme me l’indiquait Marie, j’ai ouvert un compte sur le General Register Office – ou GRO pour les initiés – et j’ai passé ma première commande, pour la somme de 7 GBP.

Une rapide recherche sur les sites d’Ancestry et MyHeritage m’a ensuite permis rapidement de trouver les recensements de 1891 et 1901 pour le couple d’Albert George et Jane Ann.

Le recensement au Royaume Uni date de 1831 et a lieu tous les 10 ans. Le plus récent consultable en ligne est celui de 1911. Les recensements sont indexés et l’indexation est consultable sur les sites payants. Bien sûr, les renseignements indexés peuvent être erronés, l’orthographe du nom peut être variable, le prénom différent. Mais cela, on le connait en France. Les deux plus grosses différences tiennent à la date du recensement, réalisé sur une seule journée, la même dans chaque localité du Royaume Uni, et sur le fait que dès son mariage, une épouse n’est plus identifiée, jusqu’à son décès, que sous son nom d’épouse. A partir de son mariage avec Albert George Brooker, Jane Ann Farrell est devenue dans tous les recensements indexés Jane Ann Brooker.

Voici l’état du recensement réalisé le 5 avril 1891 dans lequel figure la famille Brooker

Il est toujours intéressant d’aller visualiser la première page de chaque liasse de recensement. En plus du nom de la personne chargée du recensement, vous y trouvez des indications claires sur la localisation. Et quand vous suivez la trace d’une famille à Londres, cette information est particulièrement intéressante.

J’y apprends que la liasse concerne le recensement du district d’Holborn, section St George the martyr, avec une indication claire des pâtés de maison concernés. Holborn est un district à cheval sur les counties de Camden et Westminster – on est en Angleterre, rien n’est simple. On est dans le centre de Londres, juste au-dessus de la City.

Une carte précise du quartier d’Holborn permet de situer le district où vit la famille d’Albert George et Jane Ann. Actuellement, la rue porte le nom d’Old Gloucester Street et il semble que les bâtiments de l’époque ne sont plus existants. N’oublions pas que Londres, contrairement à Paris, mais comme Caen, Le Havre et d’autres villes françaises, a été fortement bombardée pendant la seconde guerre mondiale.

Holborn Met. B Ward Map 1952.svg
By Doc77can - Own work, CC BY-SA 4.0, Link

L’etude attentive du recensement me donne d’autres indications.

La famille habite toujours au 56 Gloucester Street où est né Albert fils, presque un an plus tôt.

  • Albert G Brooker, chef de famille, marié, a 28 ans. Il est « porter » (general), l’équivalent de portefaix, et il est né à Londres, Highgate.
  • Jane A Brooker, son épouse, mariée, a 22 ans, elle est née dans le Dorset, à Weymouth
  • William E Brooker, fils, a 1 an et il est né à London Marylebone. Albert a donc un frère ainé
  • Albert G Brooker, fils, a 8 mois. Il est indiqué qu’il est né à London Bloomsbury. Pourtant selon son acte de mariage, c’est ici que Albert est né … Un coup d’oeil sur une carte m’indique qu’en fait il s’agit bien du même lieu …. Pauvre de moi …

St Giles & Holborn Civil Parish Map 1870.png
By Doc77can - Own work, CC BY-SA 3.0, Link

En 1901, la famille s’est agrandie et habite maintenant le quartier de St Pancras, que les voyageurs venus du continent par l’Eurostar connaissent un peu, puisque c’est à la gare de St Pancras que les trains arrivent.

Mais avant la gare, il y avait ici un quartier populaire appartenant également à Camden. La famille habite au 91 Cromer Street, où elle occupe deux pièces, et compte maintenant six personnes.

  • Albert G. Brooker, chef de famille, marié, 38 ans, « horse keeper, groom » – donc garçon d’écurie, né à Londres St Pancras
  • Jane A Brooker, son épouse, mariée, 32 ans, née à Weymouth, Dorset
  • William E. Brooker, fils, 11 ans, né à Londres St Pancras
  • Albert G Brooker, fils, 10 ans, né à Londres St Pancras
  • Annie E Brooker, fille, 6 ans, née à Londres St Pancras
  • Thomas M. Brooker, fils, 3 ans, né à Londres St Pancras
  • Florence E Brooker, fille, 1 an, née à Londres St Pancras

Si les âges sont cohérents, vous remarquerez que le lieu de naissance fluctue selon les documents retrouvés. Quand on ne connait pas vraiment Londres, il est bien compliqué de s’y retrouver entre les counties, burroughs, dictricts, les civil parishes et religious parishes.

Selon les documents trouvés, Albert George est né à St Pancras, Bloomsbury ou Holborn. Pourtant, il est probablement bien né au 96 Gloucester Street, et chacune de ces localisations est plus ou moins correcte, suivant le niveau administratif où on se place. Avec ça, allez retrouver la bonne paroisse pour chercher un certificat de baptême qui vous éviterait de dépenser 7 GBP ….

A ce stade de mes recherches, il fallait que j’en sache plus sur le mariage d’Albert George et Jane Ann.

J’ai trouvé dans un registre paroissial grâce à un arbre en ligne sur Ancestry la mention du mariage d’Albert George et Jane Ann Farrell.

Mais ce document était bien trop succinct à mon goût : pas de nom des mères des mariés, pas de lieu ou date de naissance ….

J’ai donc commandé auprès du GRO le certificat de mariage, dont j’avais trouvé les références dans les index. J’ai également commandé le certificat de décès du père de famille en 1903.

Il m’avait fallu presque 10 jours pour en arriver là, comprendre comment fonctionnent les sites, m’y retrouver dans le Card Catalog d’Ancestry, me repérer un peu dans Londres, lire les explications de Marie, échanger avec une blogueuse plus aguerrie que moi aux méandres anglais. Et je n’avais à peu près validé que la génération du grand père de ma tante. Bref en dix jours, je n’avais à peu près rien sourcé des quelques événements que j’avais retrouvé. Cela ressemblait à la généalogie en France avant internet …..

Avec quatre sources, j’avais difficilement reconstitué le début d’arbre ci-dessous.

Graphisme réalisé sous Lucidchart

Une fois les documents commandés, dont je comptais qu’ils allaient me donner de nouvelles pistes, j’ai fait une petite pause en me félicitant d’être généalogiste avec beaucoup d’origines en France, un vrai pays de cocagne généalogique qui s’ignore.

Je vous propose de faire aussi une pause avant de découvrir les étapes suivantes, pour lesquelles j’ai ressorti ma chère casquette de Sherlock. Et pour une fois c’était de circonstance.

Sources et liens


4 réponses à “Première plongée dans la généalogie au Royaume-Uni”

  1. Cette enquête se lit comme un récit d’aventures. Tu me ferais presque regretter de n’avoir pas d’ancêtres à chercher au Royaume-Uni ! 😉

  2. Super!
    j’adore les gens qui savent expliquer des choses compliquées avec un exemple. C’est la meilleure méthode.
    Bravo
    Il y a bien longtemps, j’avais commandé et obtenu moyennant finance un acte au GRO. C’est assez facile avec quelques rudiments d’anglais et avec une carte bancaire. Le résultat est décevant car les actes ne sont pas filiatifs!
    Vive la généalogie à la française. Mais parfois ce n’est pas suffisant.
    Merci
    JP Mazery

    1. Brigitte

      Bonjour et merci pour ce gentil commentaire
      Oui ce sera l’objet de l’article suivant : les actes ne sont pas filiatifs, les mères disparaissent des actes …… est il quand meme possible d’aller plus loin ? Quand on voit comment faire des recherches hors de la France, on se rend compte de la chance qu’on a à faire de la généalogie à la française 🙂
      Merci encore
      Brigitte

      1. Bonjour,
        Votre histoire est passionnante.
        Je prépare un livre sur la vie et l’œuvre de Victor Riston (1862-1929) dont les ancêtres seraient originaires d’Angleterre. Le premier ancêtre connu, Nicolas Riston aurait vécu vers 1510. Un autre, Édouard Riston a fui l’hérésie et se serait installé Douai avant de mourir de la peste vers 1585 à Pont-à-Mousson. Je suis preneur de toute information sur la famille et suis près à échanger des informations généalogiques de cette famille…
        Merci par avance
        Blaise

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