H comme Hériter

Ecrit par

Brigitte Billard

Publié le

Temps de lecture : 4 minutes



Durant tout le mois de juin 2017, dans le cadre du Challenge AZ, je vous raconte la vie des ancêtres de mon arrière-grand-père Jean Joseph Billard.


La civilisation languedocienne est très marquée par la place réservée à l’héritier sur qui repose la transmission du patrimoine familial. Presque toujours l’ainé, il jouit de maintes prérogatives au regard de ses cadets, tout en étant formé aux devoirs de son état.

Cet extrait du Dictionnaire de l’Ancien Régime se confirme à la lecture des actes notariés que j’ai pour l’instant retrouvés dans ma branche languedocienne. Presque tout le patrimoine est transmis à l’ainé des fils survivants, une fois parvenu à l’âge adulte, et les autres fils n’ont qu’une petite part de la succession, et quasiment jamais de terres.

C’est souvent lors du contrat de mariage du fils ainé que se règlent tous les détails de la succession future, alors même que les parents du futur marié sont présents au contrat.

A titre d’exemple, prenons le contrat de mariage passé le 13 mai 1765 à Vieussan entre Pierre Boissezon et Marianne Boissezon (1).

Commençons par répondre à une question légitime : Pierre et Marianne sont-ils cousins ? A ce stade de mes recherches, je ne peux ni l’affirmer, ni le nier. S’il y a parenté, elle serait au mieux au niveau de leurs arrières grands pères, au début du 17è siècle, et je n’ai pu remonter la branche de Pierre avec certitude à ce niveau là pour l’instant. 

Quels sont donc les termes de ce contrat de mariage ?

Il commence, comme très souvent dans les contrats que j’ai trouvés, par une donation entre vifs entre le père du marié et son fils futur époux de tous les biens du père, avec clause de même pot et feu , sous certaines réserves et à l’exception de quelques sommes.

11 …. en faveur dudit mariage
12 et pour le suport des charges diceluy ledit antoine
13 Boisseson pere icy presant a icy donné par
14 donation entre vifs à jamais irrevocable à
15 son fils pierre Boissezon acceptant et
16 humblement remerciant son dit pere scavoir est
17 tous et chacuns ses biens presants
18 meubles et immeubles en quoy que le tout puisse
19 generalement consister soubs la reserve qu’il se
20 fait de la somme de trois livres pour en
21 jouir et disposer comme bon luy semblera.
22 de plus se reserve ledit donateur la somme
23 de deux cents cinquante livres qu’il donne et
24 lègue des a presant a simon Boisseson son
25 fils legitime et de ladite Miquel son epouse et
26 ce pour tout droit de legitime que ledit Simon
27 peut avoir et pretendre sur ses biens; de plus
===
(3)
1 se reserve ledit donateur, pareille somme de deux
2 cent cinquante livres, qu il donne et legue des
3 a presant a antoine Boissezon son autre fils
4 legitime et de sadite epouse et outre et par dessus
5 legue audit antoine la somme de trente livres pour
6 apprendre un metier; se reserve encore ledit
7 donateur pareille somme de deux cents
8 cinquante livres quil donne et legue a
9 estienne boisseson son autre fils et outre
10 et par dessus se reserve pour ledit Estienne la
11 somme de trente livres pour apprendre un
12 metier, en outre et par dessus se reserve ledit
13 Boisseson pere pareille somme de
14 deux cents cinquante livres quil donne et
15 lègue des a presans a Jean Boisseson son
16 autre fils legitime et de sadite epouse, et se
17 reserve en outre pour ledit Jean son fils la
18 somme de trente livres pour apprendre un
19 metier, lesquels leguats sont faits par ledit
20 Boisseson père a sesdits enfants pour tout
21 droit de legitime qu’ils peuvent avoir et
22 pretendre sur ses biens, payables les susdits leguats
23 a ses susdits enfants par ledit donateur à scavoir
24 cent livres a chacun desdits leguataires lors du
25 mariage d un chacun ou a l age de vingt
26 cinq ans, cent livres une année après ledit
27 age de vingt et cinq ans ou dudit mariage
28 et le restant, deux apres ledit age de vingt
29 et cinq ans ou apres leur dit mariage le
===
(4)
1 tout sans interet; et les trente livres pour le
2 métier seront payés auxdits antoine, Estienne et
3 Jean seront payés lors de l’apprentissage dudit
4 métier, la donation cy dessus est faite par
5 ledit Boisseson a condition de vivre a meme
6 pot feu et table avec sondit fils pierre Boisseson
7 et sa femme et dans le cas de discorde se
8 reserve ledit donateur tant pour luy que
9 pour ladite Miquel sa femme la jouissance
10 de la moitié des batiments, de la
11 moitié des meubles et de la moitié des fruits
12 des biens par luy cy dessus donnés;
Que nous dit ce contrat ?

On apprend qu’au moment du mariage de Pierre le fils ainé, né le 7 avril 1741 à Vieussan, il a quatre autres frères vivants, puisque mentionnés dans le contrat de mariage: Simon, né le 29 janvier 1746 à Vieussan, Antoine, né le 24 novembre 1747 à Vieussan, Etienne né le 6 janvier 1753 à Vieussan et Jean, né vers 1754. A chacun des frères, Antoine Boissezon, le père, donne 250 livres, qui seront payables en plusieurs fois, par Antoine ou Pierre si Antoine décède avant que tout l’argent ait été donné, plus 30 livres pour qu’Antoine, Etienne et Jean apprennent un métier. Le père cherche donc à assurer l’avenir de ses fils cadets.

Un peu plus loin dans le contrat, c’est la mère, Catherine Miquel, qui fait elle aussi donation de tous ses biens, dès la signature de ce contrat de mariage, à l’exception de deux cent livres, qu’elle partage entre ses quatre autres fils. 


Cet usage de transmission du patrimoine au fils ainé je le retrouve dans les deux branches de l’ascendance de Jean-Joseph Billard au-delà de la Révolution, jusqu’à Michel Firmin Billard, fils cadet, qui n’a pas hérité du patrimoine familial, mais a fait des études de droit pour lui donner une chance professionnelle équivalente.

[Pierre_Boissezon_Sosa_788]
Sources, liens et ressources
  1. AD34 – 2E_66/322 – Contrat de mariage du 13 mai 1767 à Vieussan devant Antoine Roger, notaire à la Voulte

3 réponses à “H comme Hériter”

  1. Le fils aîné était l’héritier privilégié, mais cet héritage pouvait être un cadeau empoisonné, il était attaché à la terre et aux propriétés familiales et devait vivre avec ses parents. Tandis que le cadet qui s’en allait chercher fortune en ville pouvait, tout compte fait, se sentir plus libre et espérer une promotion sociale.
    J’ai beaucoup appris de « La maison du père » de Alain Collomp

    1. Brigitte

      Merci pour ce commentaire Marie, je viens de vérifier le livre existe en version numérique, je vais l’acheter, un peu de saine lecture
      Brigitte

  2. Ahhhh le partage équitable !!! combien de secrets de famille se cachent dans les successions et leurs partages

Répondre à LESCENE Christine Annuler la réponse

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