Josephine Moustelon, le mariage sinon rien

Ecrit par

Brigitte Billard

Publié le

Temps de lecture : 4 minutes


L’article avait été effacé par une opération de piratage, il a été retrouvé grâce à Cendrine van Klaveren, merci à elle.


Elodie Josephine Moustelon nait le 19 mars 1850 à Vieussan (1), au domaine de Grais dont son grand père, mon aïeul Pierre André Moustelon, est propriétaire.

Gallica – Carte générale de la France. 057, [Lodève]. N°57. Flle 112 / Gravé par le S.r Dupain Triel fils Ing.[énieu]r Geogr.[ap]he du Roi ; [établie sous la direction de César-François Cassini de Thury]

Elle est la troisième fille de Pierre André Philippe Moustelon et d’Appolonie Justine Abbal.

Arbre réalisé à partir d’Heredis 2017

 

Joséphine est la cousine germaine de mon arrière arrière grand-mère, Marie Thérézine Moustelon.

Arbre dessiné à partir d’Heredis 2017

Vers 1865, Philippe Moustelon – c’est ainsi qu’on l’appelle – va s’installer avec son épouse et ses deux filles à Bédarieux, la grande ville la plus proche. Il y exploite le moulin situé sur la route de Saint-Pons.

Lors du recensement de 1866 (2), Joséphine n’est pas présente au domicile familial. Elle a 16 ans, il est probable qu’elle soit pensionnaire dans une école privée, quelque part dans l’Hérault. Dans ma branche Billard tout au long du 19è siècle, un certain nombre d’enfants “disparaissent” ainsi des recensements entre 10 ans et 18 ans , et le milieu familial plutôt aisé me fait pencher pour des séjours en pensionnat.

Le 23 juin 1874 (3), la soeur ainée de Joséphine, Alix, décède à 26 ans. Tout comme sa cousine germaine Marie Thérézine à Tourouzelle, Joséphine reste seule fille du couple, héritière d’une minoterie, et porteuse de l’avenir de la lignée. Les parents de Joséphine vont alors tout faire pour marier leur fille, et si possible à un beau parti. En ce début de Troisième République dans une petite ville du Languedoc, que pourrait faire d’autre une jeune fille de bonne famille et de bonne éducation, à part faire un beau mariage et avoir des enfants ?

Mais les archives de l’Hérault vont nous raconter une histoire bien plus compliquée, histoire que j’ai pu découvrir par hasard grâce à l’indexation que Filae a faite de l’état civil du 19è siècle.

Le 2 novembre 1879, une première publication du prochain mariage entre Josephine Moustelon et Hippolite Léopold Etienne Baumel, docteur en médecine, né à Lodève le 24 juin 1854 et domicilié à Bédarieux, est affichée à l’hôtel de ville (4). La seconde publication suit une semaine plus tard, le 9 novembre. Et puis plus rien …. pas d’acte de mariage … Pourtant le fiancé n’est pas mort, je le retrouve en 1884, 5 ans plus tard, habitant à Montpellier, où sont faites les publications de son futur mariage avec Joséphine Joucla, demeurant à Argens-Minervois, dans l’Aude (5). Les registres de l’Aude ne sont pas en ligne, mais le mariage a bien été célébré, puisque le 29 juin 1885, le couple a un fils (6). Clairement, le mariage entre Hyppolite Baumel, futur professeur agrégé de médecine à Montpellier et Joséphine Moustelon, héritière d’une minoterie sur l’Orb, a été annulé juste avant la cérémonie.

Ca arrive ….

Mais quand deux ans plus tard, en novembre 1881 (7), je trouve à nouveau une publication de mariage entre Josephine Moustelon, oui la même, âgée maintenant de 30 ans, avec Joseph Alexis Bret, ingénieur mécanicien, âgé de 42 ans, domicilié à Bédarieux, et qu’après la seconde publication il n’y a à nouveau pas de mariage, la situation devient plus originale. Oserais je préciser que Joseph Bret convole en justes noces le 22 septembre 1882 à Roqueredonde, dans l’Hérault, avec Jeanne Marie Rose Jaoul, 32 ans (8).

Joséphine, la pauvre Joséphine, a donc vu par deux fois les projets de mariage de ses parents pour elle annulés au dernier moment. Cette situation pourrait prêter à sourire de nos jours, mais à cette époque, il est peu probable que la famille Moustelon ait trouvé la situation plaisante. Joséphine ne peut pas mettre en avant sa carrière professionnelle, elle ne peut pas choisir de vivre sa vie comme elle l’entend, elle ne peut même pas apprendre le métier de son père pour reprendre après lui la minoterie. Non, Joséphine, à 31 ans, n’a d’autre choix que d’épouser un homme qui voudra bien d’elle, de sa dot, et du moulin de son père ….

Pourquoi les deux projets de mariage ont ils échoué? Quelle est la tare qui pèse sur cette jeune fille ? Une conduite dissolue ? Un physique très ingrat ? Un père tyrannique qui se cherche un gendre corvéable à merci ? Une dot peu reluisante ? Tous ces handicaps à la fois ? Je ne le saurai probablement jamais.

Le 31 janvier 1882 les parents de Joséphine signent un contrat de mariage – que je n’ai pas encore vu mais qui est mentionné dans l’acte de mariage – avec Germain Auguste Noël Caumel, négociant, âgé de 23 ans, oui vous avez bien lu, 23 ans. Les publications de mariage sont affichées le 5 février 1882, puis le 12 février 1882, et le 15 février, à 17h30, Joséphine épouse Germain à la mairie de Bédarieux(9).

L’histoire de Joséphine m’a touchée. Si ses deux soeurs avaient vécu et s’étaient mariées, il est presque certain que la petite dernière serait restée vieille fille, cette espèce de mort sociale des classes bourgeoises du 19è siècle. Et si Joséphine avait eu un frère ainé, qui aurait repris la minoterie, elle serait devenue la tante qui aide à élever les enfants.

Cette mise au ban sociale de la femme célibataire, il n’y a pas longtemps qu’elle a vraiment disparu de notre mode occidental de pensée. La situation sociale des femmes dans notre société occidentale, même si elle n’est pas encore parfaite, est à mille lieues de ce qu’ont vécu nos arrières grand-mères, nos grands-mères, et parfois nos mères. Ne croyons pas acquis notre mode de vie, il faudrait peu de choses pour qu’il disparaisse. Et je suis sûre que comme moi, la vie imposée à Joséphine Moustelon n’est pas ce que vous souhaitez pour vos filles.

Sources et liens
  1. AD34 – Naissances Vieussan 1850-1880 – acte 4 vue 9/154
  2. AD34 – Recensement Bedarieux 1866 – vue 288
  3. AD34 – Décès Bédarieux 1873-1876 – acte 125 vue 49/150
  4. AD34 – Publications de mariage Bedarieux 1878-1884 – vue 44/149
  5. AD34 – Publications de mariage Montpellier 1884 – cte 689 vue 126/220
  6. AD34 – Naissances Montpellier 1885 – acte 681 vue 175/424
  7. AD34 – Publications de mariages 1878-1884 – Acte 130 vue 85/149
  8. AD34 – NPMD Roqueredonde vue 126/215
  9. AD34 – Mariages Bedarieux 1881-1884 – Acte 9 vue 33/100

 


6 réponses à “Josephine Moustelon, le mariage sinon rien”

  1. M.I. FEMENIA

    Et si c’était l’inverse. Si c’était elle qui n’avait pas voulu se marier. J’ai eu le cas dans ma famille d’arrière-grands-parents qui ont fait un contrat de mariage plusieurs années avant le mariage, car la future épouse en aimait un autre, plus pauvre que ses parents ne voulaient pas. Elle a du tout faire pour retarder le mariage, mais le futur marié étant bien décidé, le mariage s’est fait quand même. Peut être était-elle tellement contre ces mariages imposés par les parents, qu’il leur a fallu renoncer.

    1. Brigitte

      Bonjour et merci pour le commentaire
      Pourquoi pas, meme si j’en doute à cause de la différence d’âge entre Josephine et Germain. Il a 8 ans de moins qu’elle, et par son mariage il accède apparemment à un statut social un peu meilleur qu’avant le mariage. Mais aussi longtemps que je n’aurai pas lu le contrat de mariage, et vérifié si pour les autres publications de bans il y avait eu un contrat … J’aimerais croire qu’elle a tenu tête à ses parents en refusant d’épouser un homme qui ne lui plaisait pas, une fois, mais deux ? Avec la pression sociale de l’époque ?

  2. Muriel

    Dans ces milieux, si les mariages ont été organisés et annulés avant la célébration du mariage, il est fort possible que cette jeune femme, si elle n’avait pas eu de sécurité familiale, ait mis au monde un enfant de père inconnu…
    Regardez sur la 2ème et 3ème génération au-dessus d’elle voir si celà n’a pas été le cas.
    Quand les familles arrangent les mariages, c’est pour ne pas perdre les biens et/ou l’honneur des familles avec des filles-mères…qui enfantent des enfants de père inconnu. Sitôt l’affaire conclue, les futurs pères disparaissaient…

    1. Brigitte

      C’est une piste que j’ai essayé de suivre, mais si l’enfant a été abandonné il va être difficile de le retrouver, surtout juste avec des registres en ligne. Si enfant il y a eu, il n’est pas apparu dans les recensements, et je ne le trouve pas ensuite dans la vie de Joséphine, que je suis jusqu’en 1921 à Béziers. Je peux essayer d’éplucher les naissances de Bedarieux pour lister les enfants abandonnés. En tout cas, merci pour le commentaire.

  3. He ben quel destin ! A-t-elle eu des enfants? Je fais ma curieuse, mais la pauvre quel destin. Les obligations familiales étaient quand même un vrai fardeau

    1. Brigitte

      oui trois enfants, et la vie de l’ainé est un crève coeur, je vais faire quelques recherches dans les fonds judiciaires le concernant quand j’irai à Montpellier. Mais je n’ai pas réussi à retrouver le décès de Joséphine et de Germain … C’est compliqué le 20è siècle quand on a accès qu’à ce qui est numérisé

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