D comme Dupuis

Ecrit par

Brigitte Billard

Publié le

Temps de lecture : 7 minutes




Aucun thème précis pour cette nouvelle participation du blog au Challenge AZ initié par Sophie Boudarel, de la Gazette des ancêtres, juste une promenade à la rencontre de personnes ou d’anecdotes rencontrées au cours de mes recherches


Cliquez sur l’image pour déployer l’arbre

C’est sur les terres protestantes du Poitou que je vous emmène aujourd’hui à la rencontre de Marie Anne Dupuis, Sosa 495 de mes enfants, arrière grand mère de mon arrière arrière grand mère.

Aperçu généalogique
Branche Reau
Nom : Marie Anne Dupuis
Parents : Louis Dupuy et Jeanne Barricault
Epoux :Pierre Collet
Lien de parenté: mon aïeule à la 8ème génération
  1. Marie Anne Dupuis
  2. Marie Madeleine Collet
  3. Marie Madeleine Alain
  4. Angelina Peroche
  5. Adrien Guignard
  6. Marie Rose Guignard
  7. maman
  8. moi

Des racines protestantes en Poitou

Avant de vous conter la trop courte vie de Marie Anne, revenons sur son ascendance, une particularité dans mon arbre généalogique.

Les ancêtres de Marie Anne Dupuis appartiennent en effet en très grande majorité à la religion protestante, et sont à ce jour les seuls protestants que j’ai identifiés dans mon ascendance.

Rouge : Exireuil – Vert : Saivres – Bleu : Nanteuil – Jaune : Fomperron

Voici sur 5 générations l’ascendance de Marie Anne Dupuis. La génération la plus ancienne a vécu entre 1620 et 1700 en gros.

Depuis le XVIe siècle au moins, les ancêtres de Marie Anne vivent juste à côté de Saint-Maixent, dans les villages de Saivres, Nanteuil, Exireuil.

Depuis le passage de Calvin à Poitiers en 1534, les idées de la Réforme se sont répandues dans le Poitou. En 1586 et 1587, Henri de Navarre, à la tête de ses troupes protestantes, réside en Poitou. Des places fortes protestantes sont instaurées, dont Saint-Maixent, qui garde cette fonction de place-forte protestante quand l’Edit de Nantes est enfin proclamé, le 13 avril 1598, apportant enfin la paix dans la région.

Quand on habite à proximité de Saint-Maixent, comment ne pas devenir protestant ? C’est ainsi que la très grande majorité des habitants des paroisses de Saivres, Exireuil, Nanteuil, appartiennent à la religion réformée. Ils se marient entre eux au Temple, à Saint Maixent et passent leurs actes notariés chez des notaires de leur religion. Tenus à lire la Bible, ils savent en grande majorité lire, et signer.

Pourtant très vite, après l’assassinat de son père Henri IV, le jeune roi Louis XIII va limiter les droits accordés, puis partir en guerre contre la sédition protestante.

Mais les résultats ne sont pas au rendez vous dans les régions protestantes du Poitou. Le gouverneur du Poitou emploie alors l’envoi de troupes, logées et entretenues par l’habitant, protestant bien sûr, au prétexte que la population ne répond pas suffisamment à ses obligations fiscales. Les tristement célèbres dragonnades commencent …. et les protestants, devant la violence quotidienne qu’ils subissent, se convertissent alors en nombre.

Gallica a mis en ligne un document très explicite sur cette « conversion à la pointe du mousquet », qui liste par village les nouveaux convertis pour 1681-1682 afin qu’on veille à ce qu’ils ne retombent pas dans l’erreur. S’ils venaient à refréquenter le temple, la sanction pour la communauté protestante serait lourde, jusqu’à la destruction de leur temple.

On trouve dans cette liste par exemple à Saivres Pierre Dupuy, son épouse Cassandre Dupuy, et leurs cinq enfants, les ancêtres de ma cousine Nat, du blog Parentajhe à moé.

Pierre Dupuy est le frère de mon ancêtre Simon Dupuy, maréchal.

Quelques pages plus loin, à la Pillochère à Nanteuil, on trouve Louis Barricault et son épouse Suzanne Enard, les ancêtres de la mère de Marie Anne, qui vivent en communauté avec le frère de Suzanne et sa famille, et abjurent tous en même temps.

Certains autres se retrouvent dans les registres paroissiaux, à Saivres en 1685 par exemple, comme Jeanne Briault.

Dans l’ascendance de Marie Anne, seule la branche correspondant à Marie Cartier n’est peut être pas protestante. Du moins c’est la seule branche pour laquelle je n’ai pas trouvé un élément – mariage ou abjuration – qui pointe vers la religion protestante.

Mais les dragonnades ont eu l’effet escompté, et la génération des arrières grands parents de Marie Anne Dupuis est inhumée selon les rites catholiques.

La religion protestante disparait donc vers 1700 de mon arbre familial.

Les malheurs de leurs ancêtres sont ils restés dans l’histoire familiale? Parlait on encore de ces dragonnades qu’avaient subis les anciens, 80 ans plus tard, quand Marie Anne est venue au monde ?

Marie Anne Dupuis, une vie de 29 années

Marie Anne fait partie du groupe de mes cinq ancêtres directes qui ont vécu moins de 30 ans.

Ligne de vie sous forme de carte mentale. Cliquer pour visualiser

Dans la lignée de Louis Dupuy, on est maréchal depuis …. quasiment la nuit des temps, ou du moins depuis Simon Dupuy, l’arrière arrière grand père, et à toutes les générations, les hommes de la famille savent signer. A 25 ans, le 24 novembre 1744, Louis, originaire de Exireuil, du hameau de la Collinière, épouse Jeanne Barricault, 19 ans, de l’Airaudière à Nanteuil.

Jeanne est féconde, très féconde. Le couple va avoir au moins 11 enfants, 5 garçons et six filles, dont très peu vont arriver à l’âge adulte.

Marie Anne est l’avant dernière de la fratrie. Quand elle vient au monde le 17 juin 1758, dans la maison de la Collinière, il y a encore 4 grandes soeurs :

  • Marie Magdeleine, née en 1751, 7 ans, qui va mourir en 1761
  • Jeanne, 5 ans, née en 1753
  • Marie Anne, 4 ans, née en 1754
  • Françoise, 1 an, née en 1757, qui va mourir en 1761, quelques jours après son aînée Marie Magdeleine

En 1760 nait un garçon, Pierre François, qui est semble t’il le seul fils à avoir atteint l’âge adulte.

Jeanne Barricault, la mère de famille, a 35 ans, elle a mis au monde 11 enfants, en a déjà enterré 5 et ne va semble t’il plus avoir d’enfant à partir de la naissance de Pierre François.

Marie Anne enfant connait ses deux grands mères.

Marie Cartier, sa grand mère paternelle, a 60 ans à la naissance de la petite fille. Elle vit probablement avec la famille, dans la maison de la Collinière, ou du moins à proximité. C’est de sa lignée que vient la maison. Son mari, Simon Dupuy, le grand père de Marie Anne, habitait Saivres avant son mariage, et s’est installé à la Collinière, où son beau père était maréchal.

Jeanne Michau, la grand mère maternelle de Marie Anne, a elle aussi une soixantaine d’années à la naissance de Marie Anne. Elle sait signer, et habite Nanteuil.

Marie Anne a 11 ans quand Marie Cartier décède le 16 août 1769. C’est a priori le premier décès dans sa famille proche dont elle peut avoir le souvenir. Elle n’avait que 3 ans quand ses deux sœurs aînées sont mortes en 1761.

A peine deux ans plus tard, le 28 novembre 1771, c’est un deuil plus proche qui frappe la famille. Jeanne Barricault, la mère de famille, décède à l’âge de 46 ans. Marie Anne n’a que 13 ans, mais elle assiste à l’inhumation, aux côtés de son père, de ses sœurs Jeanne et Marie, de son frère François, et des frères, sœurs et beau frère de Jeanne.

Il y a trois filles dans la famille, assez grandes pour se charger de la maison, des taches dévolues aux femmes, et pas d’enfant en bas âge. Louis le père de famille n’a pas besoin de se remarier.

Le 22 novembre 1774, la sœur aînée, Jeanne, se marie à Exireuil. Elle a 24 ans et épouse Jean Richer, maréchal, lui aussi originaire d’Exireuil. Louis Dupuy prépare visiblement sa succession et a trouvé un gendre qui l’aidera et prendra sa suite.

Le 26 octobre 1779, c’est au tour de Marie, la soeur cadette, baptisée sous le nom de Marie Anne elle aussi – de se marier à Exireuil avec Jacques Gabard, un jeune veuf, originaire de Vasles, mais qui depuis le décès de sa première épouse, quelques mois après leur mariage, est domestique de ferme à Nanteuil.

A l’été suivant, le 2 août 1780, Lous Dupuy, qui depuis quelques années signe Louis Vincent Dupuy, meurt. Il a 61 ans. Deux de ses filles sont mariées, mais pas Marie Anne, qui a maintenant 22 ans.

Marie Anne continue à vivre à Exireuil, probablement avec sa sœur Jeanne et son beau frère Jean Richer, dans la maison de la Collinière, jusqu’à son mariage, deux ans plus tard, le 9 juillet 1782, à l’église d’Exireuil, avec Pierre Collet, un journalier habitant le village de Fomperron.

Pierre Collet a 36 ans, il est veuf depuis l’année précédente, et les deux filles qu’il avait eues de sa première femme sont toutes deux mortes en bas âge. Le couple a douze ans d’écart, ce qui n’est pas rare à l’époque. Mais Marie Anne est mineure quant au mariage, et en l’absence de ses parents, c’est son oncle Philippe Marsacq, le mari de Françoise Barricault, sœur de sa mère, qui est son curateur aux causes et donne son accord au mariage.

Marie Anne part vivre à Fomperron avec son mari. C’est aussi à Fomperron que vivent sa sœur Marie et le mari de cette dernière, Jacques Gabard. En février 1784, Marie Anne est d’ailleurs marraine de Pierre Gabard, le fils du couple.

Le 6 novembre 1785, plus de trois ans après le mariage, Marie Anne met au monde à Fomperron une petite fille, Marie Madeleine Collet. C’est le premier enfant du couple, du moins le premier dont je trouve la trace, après trois ans de mariage. Marie Anne a t’elle eu du mal à être enceinte? A t’elle fait des fausses couches? Est elle de santé fragile ? Que de questions sans réponse, une fois de plus.

Marie Madeleine Collet est le Sosa 247 de mes enfants.

Marie Anne a 28 ans, sa fille Marie Madeleine a 13 mois, quand Pierre Collet, le père de famille, meurt le 16 décembre 1786, à Fomperron. Il n’avait que 40 ans. Il laisse donc une jeune veuve de 28 ans, maman d’une toute petite fille et enceinte d’environ 4 mois, enceinte de leur second enfant.

Il semble que la solidarité familiale, primordiale à l’époque, ait bien fonctionné. Marie Anne reste à Fomperron, probablement chez sa sœur Marie et son beau frère Jacques Gabard. Peut être vivaient ils déjà avant le décès de Pierre Collet en communauté, comme je l’ai parfois retrouvé dans les actes notariés de mes ancêtres des Deux Sèvres.

Marie Anne met au monde à Fomperron un garçon, Jean Collet, un enfant posthume.

Mais Marie Anne est probablement fatiguée, elle n’a pourtant que 29 ans, quand un an après le décès de son mari, le 12 décembre 1787, elle meurt à son tour.

Elle laisse à la charge de sa famille deux tous petits enfants, Marie Madeleine, 2 ans, et Jean, 7 mois. Les auspices ne sont pas favorables pour ces petits orphelins, dans le Poitou paysan d’avant la Révolution. Mais les enfants sont recueillis par Jacques Gabard et son épouse Marie Dupuis, élevés avec leurs propres enfants, à Fomperron, puis à Vasles.

Tous deux vont atteindre l’âge adulte, se marier, avoir une postérité.

Mais tout ça est une autre histoire …..

Sources et liens


4 réponses à “D comme Dupuis”

  1. C’est un beau récit que l’on prend plaisir à lire malgré la courte vie de la protagoniste princicipale.

  2. Article très intéressant et fouillé!

  3. Malgré une courte vie, tu as formidablement bien réussi à replacer celle de Marie Anne dans son contexte historique, géographique et familial. Cela donne de l’épaisseur à cette si courte existence.

  4. Comme je l’ai dit « ailleurs » , il n’est jamais facile de refaire et de conter l’histoire des protestants poitevins du XVIIIè et avant. Comme à ton habitude tu le fais de fort belle façon.

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