Jean Jung, quoi de plus courant que ce simple nom en Alsace. Qui pourrait penser que derrière ces deux syllabes se cache une quête qui m’occupe depuis des mois et qui me fait plonger jusque dans les dossiers du Tribunal Révolutionnaire et les romans d’Alexandre Dumas …. La généalogie conduit vraiment à tout.
Je vais commencer par vous narrer quelques étapes de ma recherche, qui illustre ce qu’il y a de mieux dans la collaboration sur internet.
J’ai fait la connaissance de Jean Jung il y a presque un an. Sa fiche dans Heredis a été créée le 22 février 2012. Il n’était alors qu’un nom sur un acte de mariage, celui de son fils Chrétien Daniel avec Sophie Biermann – les Sosas 84 et 85 de mes enfants – le 8 novembre 1815 à Strasbourg. Attardons nous un peu sur cet acte.

“Acte de mariage, célébré à l’Hôtel de ville de Strasbourg, département du Bas-Rhin, par l’Officier de l’Etat civil, à dix heures du matin, le huit novembre mil huit cent quinze. Prénoms et nom de l’époux, Chrétien Daniel Jung, majeur d’ans, né en légitime mariage, le quatorze septembre mil sept cent quatre vingt dix à Strasbourg, domicilié à Strasbourg, profession ou qualité hussard au neuvième régiment de hussards retraité et pensionné. Prénoms, nom, profession et domicile de son père, feu Jean Jung cordonnier, Prénoms, nom, etc de sa mère Marie Madeleine Fuchs, ci présente et consentante. Prénom et nom de l’épouse, Sophie Frédérique Biermann, majeure d’ans, née en légitime mariage, le vingt six décembre mil sept cent quatre vingt cinq à Künzelsau en Würtemberg, domiciliée à Strasbourg. Prénoms, nom, profession et domicile de son père feu George Michel Biermann, tailleur, décédé à Künzelsau, le premier décembre mil huit cent sept. Prénoms, nom, etc de sa mère, Marie Madeleine Bach. Les publications ont été faites en cette mairie, dans la forme requise, et sans qu’il y ait eu opposition, à l’heure de midi, les dimanches vingt neuf octobre dernier et cinq du courant. Le dit époux déclare par serment qu’il est dans l’impossibilité de produire l’extrait mortuaire de son père, laquelle déclaration a aussi été certifiée par serment des quatre témoins ci-après nommés et ladite épouse produit un acte de consentement de sa mère …”
A la lecture de l’acte, j’ai tout de suite vu ces deux informations inhabituelles : l’époux qui n’a que 25 ans est déjà retraité et pensionné de l’armée, et il ne peut pas produire le certificat de décès de son père. Mais il sait que ce père est mort. J’ai imaginé un père parti suivre les armées de Napoléon, mort ou disparu, ou un mari qui s’était fait la malle. Mais sans autre indice, mes recherches étaient plutôt dans l’impasse.
Pendant l’été, j’ai retrouvé quelques autres informations, par ci par là, concernant Chrétien Daniel et son frère Jean, mais rien qui me permette d’aller vraiment plus loin.
Et puis en septembre, par l’intermédiaire de Geneanet, une généalogiste me contacte pour me dire qu’elle descend, elle, de Jean le frère, et donc de Jean le père, le cordonnier, et qu’elle pense qu’il s’agit du “terroriste Jean Jung, guillotiné sous la Terreur” …….. grand grand blanc ….. Elle enquêtait de son côté et j’ai commencé l’enquête du mien.
Mon ami Google, toujours plein de ressources quand on lui pose la bonne question, m’a conseillé de lire un des articles du livre de La Bourgeoisie Alsacienne, “Un terroriste alsacien, le cordonnier Jung ( 1760-1794)”. Il m’indiquait aussi que la claveciniste Sylvie Pécot-douatte s’était attachée à en savoir plus sur Edelmann, compositeur – dont peut être de la musique de la Marseillaise – et malheureux compagnon de Jung lors des procès de la Terreur.
Dans les registres des guillotinés de Paris, j’avais bien un YUNG Jean dont l’age correspondait, mais il m’en fallait plus, il me fallait une “preuve”.
J’ai trouvé les notices des livres dont j’attendais cette preuve à la BNF, et début janvier j’ai enfin pu aller les consulter.
Mais quelle est donc cette preuve, me direz vous ? Le nom de l’épouse du sieur Jean Jung et la date de leur mariage ….

J’ai envoyé les différents renseignements déjà collectés à mes deux contacts sur Jean Jung, et je continue mes recherches, chaque semaine je trouve une nouvelle pièce du puzzle.
Dès que les dossiers seront disponibles à Pierrefitte, j’irai consulter les actes du procès, et je m’attends à un vrai instant d’émotion quand je toucherai la motion que Jean Jung a écrite pour se défendre, ou la pétition de Madeleine Fuchs et de l’épouse d’Edelmann demandant que les biens de leurs maris, entre temps réhabilités, ne soient pas séquestrés pour leur permettre d’élever leurs enfants.
Pour finir, et vous donner envie de lire les prochains articles que je consacrerai à Jean Jung, écoutons Alexandre Dumas faire le portrait de notre “terroriste” dans son roman “Les blancs et les bleus ”
Jean Jung ? Alexandre Dumas ? un roman ???? mais oui, je vous assure, mon thé vert ne m’est pas monté à la tête, mais ceci est une autre histoire, que je vous conterai après ma visite aux Archives nationales…..
Aperçu généalogique
Branche KarcherNom: Jean Jung
Parents: Nicolas Jung et Marie Salomé Joesler
Epouse: Marie Madeleine Fuchs
Lien de parenté: ancêtre de mon mari à la 7ème génération
- Jean Jung
- Chrétien Daniel Jung
- Chrétien Daniel Jung
- Marie Jeanne Jung
- Daniel Karcher
- Christiane Karcher
- mon mari
Sources et liens
- Mariage de chrétien Daniel Jung : AD67 – Mariages Strasbourg 1815 – Registre 174B – Acte 402.
- La Bourgeoisie Alsacienne, études d’histoire sociale – BNF
- A la recheche d’Edelmann, le musicien guillotiné – Sylvie Pécot-Douatte – BNF
- En mémoire de Sylvie Pécot Douatte, site en mémoire à la claveciniste disparue à 46 ans d’un cancer.
- “Les Blancs et les Bleux- Alexandre Dumas – en lecture libre ici – page 33/374
Bonjour,
Je vous signale que vous pourrez trouver une notice biographique de Jean JUNG dans le NOUVEAU DICTIONNAIRE DE BIOGRAPHIE ALSACIENNE (fascicule 19, p. 1842/43) édité en 1992 par la Fédération des Sociétés d’Histoire et d’Archéologie d’Alsace à Strasbourg.
Mais peut-être l’avez-vous consultée depuis.
J’ai également été en relation suivie avec un de ses descendants de la lignée de son fils aîné Jean.
Si vous êtes toujours branchée sur ce personnage, je pourrais peut-être vous communiquer l’un ou l’autre renseignement qui vous fait encore défaut.
C.B.
Bonjour
Histoire très intéressante !
C’est captivant , un peu à la Bellemare!
Un rapport avec la famille JUNG DE WISSEMBOURG (67)?
Bonjour et merci pour ce commentaire, qui me rappelle que je n’ai pas encore transcrit et exploiter la défense de Jung devant le tribunal révolutionnaire.
Pour l’instantn, j’ai retracé l’ascendance de “mon” Jean Jung à un certain Hans Jakob Jung, mort en 1uillet 1720 à Brumath, arrière grand père du cordonnier. S’il y a lien avec Wissembourg, c’set avant, et je ne sais pas si je pourrai faire une connection
Cordialement
Brigitte
Waouh !Voilà de quoi donner de la substance à ton arbre généalogique, pas de souci ! Je suis impatiente de connaître la suite.
Une personnage haut en couleurs, comme on les aime!
Impatient également de lire la suite 🙂
Merci pour cette histoire ! On a hâte de lire la suite !
merci merci …. si seulement j’avais moins de mal à lire l’allemand ancien manuscrit 🙁
Quelle histoire en effet
passionnant, j’ai également hâte de voir la suite
merci de nous faire partager cette histoire
Du polar et quel polar en perspective ! Je m’abonne !
Dans son “Histoire de la littérature dramatique” (t. 5, Paris, 1857, p. 315-316, en ligne, Gallica), Jules Janin fait mention du cordonnier Young. A Strasbourg, début 1794, Charles Nodier (1780-1844), en quête d’un professeur de grec, l’entrevoit chez Euloge Schneider : « La tricoteuse qui servait de nymphe Egérie et de portière au terroriste en voyage, ouvrit la porte au bel enfant qui demandait à parler à son maître. Il était midi ; le proconsul Euloge Schneider était à table, et dînait de bon appétit. A cette table étaient assis trois convives étranges : le musicien Edelman, l’émule de Gossec pour les chants d’église ; le cordonnier Young, un cordonnier qui savait le latin et le grec, poète égal à son homonyme ; le dernier des convives s’appelait Monnet, d’abord grenadier, puis sacristain, puis juge au tribunal révolutionnaire, assez bon homme au bout du compte. Ces messieurs riaient beaucoup des petits accidents arrivés à la cathédrale ; Edelman lui-même se moquait de ses orgues en débris. On but à la déesse Raison, à sainte Guillotine, à maître Euloge Schneider ! C’était un jovial buveur, l’annotateur d’Anacréon. Young chanta une aimable chanson à boire, dont le gai refrain était : Que l’enfant suce le lait sanglant de la liberté. Bref, le repas fut empreint de toute cette gaieté à part des beaux jours de 93 ».
Merci beaucoup pour cet extrait. Un homme intéressant …. dont le souvenir semble avoir été vite effacé de la mémoire familiale 🙂