R comme Respectueux

Ecrit par

Brigitte Billard

Publié le

Temps de lecture : 4 minutes




Pour cette nouvelle participation du blog au Challenge AZ initié par Sophie Boudarel, de la Gazette des ancêtres, je vous emmène sur les terres ancestrales de ma mère, dans le village de Latillé en Poitou.


Jeune fille, j’ai lu avec passion Les gens de Mogador. Quand le père de Julia refuse qu’elle épouse Rodolphe, elle s’enfuit, se réfugie chez une parente – à elle ou Rodolphe, je ne sais plus – et fait auprès du notaire des « actes respectueux » pour lui demander son accord et épouser son Rodolphe. Le père refuse, une fois, deux fois, trois fois. Julia a fait le nécessaire et peut épouser l’homme qu’elle a choisi.

J’avais cru à l’époque que c’était une jolie invention d’Elisabeth Barbier, l’auteur de la saga. En parcourant et indexant les actes de mariage du 19è siècle, j’ai pourtant découvert que ce n’était pas un élément narratif, mais une réalité juridique qui s’imposait aux jeunes hommes et femmes qui souhaitaient se marier malgré le désaccord de leurs parents.

Le dictionnaire de l’administration française de 1877 précise qu’un acte respectueux est l’acte par lequel les enfants demandent, avant de contracter mariage, le conseil de leurs ascendants. Le fils, à partir de 25 ans, la fille à partir de 21 ans, peuvent se passer du consentement de leur père et mère, mais ils sont tenus à tout âge de demander conseil par acte formel passé devant notaire et conçu en termes révérentiels. Trois actes sont exigés, avec un intervalle d’un mois, et le mariage peut avoir lieu un mois après le dernier acte – et donc le dernier refus.

Il est rare de trouver mention d’actes respectueux dans les registres de mariage de Latillé, mais c’est pourtant ce qui arrive le 16 mars 1829, à la mairie de Latillé, quand Henry Jean Joseph De Savignac des Roches, trente ans, propriétaire rentier, épouse – enfin – la jeune – et jolie ? – Elisabeth Taillé, 21 ans.

Elisabeth est la fille de Jacques Taillé, maitre charron, et de Jeanne Plumereau. Par sa mère, elle est une des cousines de maman. Elle descend en effet comme moi des couples Charles Jean Bonneau et Jeanne Bourbeau, les sosa 3668 et 3669 de mes enfants, et François Martin  et Perrine Demon, les sosa 1994 et 1995 de mes enfants. Oui je sais, ça devient lassant tous ces gens à Latillé qui sont mes cousins …..

Elisabeth est née à Thenezay, où son père vivait au début de son mariage. Elle vit à Latillé avec ses parents et c’est là qu’elle a probablement rencontré Henry.

C’est un choc des mondes entre les deux jeunes gens. La fille du charron ne peut pas rencontrer, fréquenter, épouser un de Savignac des Roches, pas en 1829, soyons sérieux.

Mais qui est il ce Henry Jean Joseph de Savignac des Roches ?

Henry est né le 27 juin 1798 à Londres, de parents qui avaient fui la Révolution française, le marquis Pierre de Savignac des Roches, capitaine de cavalerie, lieutenant des maréchaux de France, chevalier de l’ordre de Saint Louis, et son épouse Marie Louise Darclais de Montamy. Une rapide recherche sur Gallica permet de constater que tant du côté paternel que maternel, Henry a des origines prestigieuses.

Gallica

Dernier enfant d’une fratrie de 14, il revient d’immigration dans les bagages de ses parents, en 1800, et la famille s’installe dans les Deux-Sèvres, où les de Savignac résident depuis longtemps. 

Les frères et soeurs ainés d’Henry se marient selon leur rang. En 1818 le marquis Pierre de Savignac meurt à Niort. 

Gallica

Charles X est au pouvoir. Le territoire français est en paix, les guerres menées par la France sont hors des frontières – Algérie, Grèce. La loi dite du « milliard des émigrés » a accordé en 1825 aux émigrés une indemnité égale aux revenus de leurs biens en 1790. La famille de Savignac a probablement bénéficié de cette loi. Dans la littérature, l’époque est au romantisme. Les écrivains chantent l’amour dans leurs oeuvres. 

C’est dans ce climat qui porte à croire que tout est possible qu’Henry rencontre un jour Elisabeth. Il tombe amoureux et décide de l’épouser. Mais Marie Louise Darclais de Montamy, sa mère, s’y oppose. Henri a plus de trente ans, il n’a besoin de présenter ses actes respectueux à sa mère qu’une seule fois, le 27 juin 1828. Elle refuse, il passe outre au refus. Il n’épouse pourtant Elisabeth que 8 mois plus tard, le 16 mars 1829, alors qu’il aurait pu légalement le faire dès août 1828. A t’il essayé de négocier, d’attendrir sa mère, de faire intervenir ses frères et sœurs ? Le jour du mariage, seule la famille de la jeune épousée est présente aux noces …. Mais Henry et Elisabeth s’aiment, le monde est à eux.

Ils s’installent dans le bourg de Latillé, et le 13 novembre 1829 un garçon, Ferdinand Claude, vient au monde. 

La famille s’installe à la Chapelle-Montreuil, et c’est la dans leur maison qu’Elisabeth meurt le 24 juin 1839, à 32 ans. Elle laisse un petit garçon de 10 ans et un mari dévasté par la disparition de son épouse.

Quand Ferdinand Claude, le fils, se marie le 18 novembre 1850 à Prahecq, dans les Deux Sèvres, où il habite depuis quelques semaines, après avoir longtemps résidé à Poitiers, son père n’est pas présent au mariage. Il ne peut même pas donner son accord, étant légalement dans l’incapacité de le faire. Henry de Savignac des Roches, 52 ans, est hospitalisé à l’asile des aliénés de Lafond, à Puiboreau, à côté de La Rochelle. Depuis combien de temps y est-il ? Ai je raison de croire que la mort de son épouse l’a plongé dans une profonde dépression, catégorisée à cette époque comme une aliénation? 

Henry Jean Joseph de Savignac des Roches décède le 30 septembre 1851, à 53 ans, à l’asile d’aliénés où il était enfermé. Ce qui avait commencé comme une belle histoire d’amour s’achève en tragédie romantique. 

Une vie comme un roman …..

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