Magdeleine Bourdin – 1795-1840

Ecrit par

Brigitte Billard

Publié le

Temps de lecture : 7 minutes


J’ai consulté dernièrement à la BNF une monographie sur Cramard, écrite par l’Abbé Rosières.

Vers la fin de l’ouvrage, il nous raconte la vie de mère Pineau.  Voici ce qu’il écrit :

Mère Pineau

La mère de notre vieille sacristine, mère Pineau, était une sainte femme, qui aurait pu répondre comme cette pauvresse à qui l’on demandait ce qu’elle faisait tous les jours : « J’vivons dans l’bon Dieu ! » Réellement mère Pineau vivait en Dieu de toutes les puissances de son âme. C’était un état de continuelle ferveur. Elle allait régulièrement, tous les matins, quelle que fût l’inclémence de la saison, entendre la messe à Chalandray, à 2 kil. 1/2. La nuit, comme sainte Elisabeth et bien d’autres, elle se levait pour prier, tandis que reposait sa famille, composée de dix enfants.

Un jour de Vendredi Saint, éprise d’amour pour N.-S. Jésus-Christ, attendrie jusqu’aux larmes au souvenir de sa Passion douloureuse, elle Lui demande la grâce de souffrir comme il a souffert Lui-même, et Lui fait généreusement le sacrifice de sa vie pour les pauvres pécheurs. Ce sacrifice paraît avoir été accepté ; car soudain, une sorte de lèpre purulente envahit son corps qui ne fut bientôt plus qu’une plaie. Je tiens d’une source certaines qu’une dame, charitable voisine (1), qui la visitait chaque jour,  avait grande peine à changer de linge ce pauvre corps dépouillé, mis au vif et sanguinolent comme celui du divin Maître.

Au milieu de ses souffrances endurées avec une patience des plus édifiantes, elle donnait souvent à son crucifix des baisers d’amour et parfois se mettait à chanter, sans doute quelque refrain du ciel après lequel elle soupirait ardemment.

C’est dans ces dispositions admirables que Dieu mit fin à cette passion volontaire, en rappelant à Lui sa servante, le jour même de l’Ascension (i).

[divider_line] Notes de bas de page

(1) Mme Eugène Boisseau, récemment décédée,. Jusqu’à la fin, elle entoura la pauvre infirme de ses soins délicats.

(i) Décéde à Cramard le 29 mai 1840, à l’âge de 45 ans; née en 1795, elle était donc presque contemporaine de M. Baudrais, curé de Cramard.

 

Ce texte, écrit il y a 100 ans par un homme d’église, qui tant sur le fond que sur la forme est à mille lieux de ma culture et de ma façon d’écrire, a malgré tout éveillé ma curiosité. J’ai dans mes ancêtres des Pineau demeurant à Cramard, il a donc fallu que je vérifie qui était cette mère Pineau.

A partir des éléments de ce texte, j’ai donc commencé mon enquête dans les registres de Chalandray.

C’est grâce à la fille de la mère Pineau, la vieille sacristine que mentionne l’abbé, et dont il donne le nom d’épousée, que j’ai identifié avec certitude la mère Pineau comme étant  Madeleine Rose Bourdin.

Une femme âgée du village de Cramard, mère Garnier (3) faisant alors l’office de sacristine, …

===

(3) Louise Pineau, veuve de Joseph Garnier, décédée à Cramard, à l’âge de 78 ans, le 22 février 1896, munie des sacrements de l’Eglise, inhumée à Chalandray, le lendemain.

 

Louise Pineau, née à Cramard le 26 décembre 1817 (1), épouse le 24 septembre 1839 (2) Joseph Garnier. Elle est la fille de François Pineau et de Magdeleine Rose Bourdin, mariés le 21 janvier 1817 à Ayron (3). François Pineau décède le 19 mai 1830 (4). C’est par François Pineau que je cousine – par alliance – avec Magdeleine Rose Bourdin.

madeleine-rose-bourdin

 

 

Rose Bourdin nait le 21 pluviose an 3 – le 9 février 1795 – dans le hameau de la Joulnière  (A) – aujourd’hui la Jounellière –  sur la commune d’Ayron (C) (5). En regardant la carte, on voit bien que le village est tout proche de Cramard (C) encore commune à part entière en 1795.

La-Joulniere

 

Les parents de Rose, Marc Bourdin et Magdeleine Sauvage, ne sont pas originaires du canton. Marc est probablement né à La Ferrière en Parthenay, à une grosse lieue à l’ouest en suivant la route vers Parthenay. Madeleine elle est née à Béruges, où la famille de sa mère, les Peron – Peyron – Payron – , est implantée depuis longtemps. Marc et Magdeleine sont domestiques quand ils se marient le 10 septembre 1792 à Chalandray (6). Elle a 27 ans, il en a 33. Rose est semble t’il la première enfant, du moins arrivée à terme, du couple. Elle est déclarée par la sage femme, Catherine Loubeau femme Benoist, qui habite le hameau de Chanteloup, tout près (D). Sur la carte d’état major, Chanteloup, l’actuelle ferme de mes cousins, cultivée pendant toute sa vie par mon grand oncle Arsène Reau, n’est qu’un point …

Le 8 octobre 1796, Marc Bourdin, le père de Rose, décède (7). La petite fille a 18 mois, sa mère est à nouveau enceinte, d’un fils qui verra le jour le 16 mai 1797, huit mois après le décès de son père.

Le 12 octobre 1800, Magdeleine qui est restée vivre près de Cramard avec ses deux enfants, alors qu’elle n’y a aucun soutien familial, épouse Joseph Pineau, né à Vasles, et dont le père et sa ribambelle d’épouses successives habitent le village de la Percerie, sur la commune d’Ayron (8). Ne vous laissez pas troubler par tous ces noms de lieu différents, l’action principale se déroule dans un cercle d’un rayon de 3 kilomètres maximum … Je n’ai encore trouvé aucune parenté proche avec « mes » Pineau. Le père de Joseph semble être du sud du canton – Benassay, Vasles, .. – alors que je remonte la piste de mes ancêtres Pineau-Pinault vers le nord de Cramard, jusqu’au hameau de Montgauguier au début du 18ème siècle. Avant cette date, les registres sont tellement parcellaires que suivre une piste ne tient qu’au hasard.

Joseph Pineau et Magdeleine Sauvage ont au moins deux enfants, en 1802 et 1805. La famille s’installe à la Jounellière, sur la rive sud de la Vandelogne, à quelques pas du clocher de Cramard.

En 1806, Louis Bourdin, le jeune frère de Rose, qui a environ 9 ans, décède. Puis le 27 juin 1807, c’est sa mère qui meurt, à 42 ans seulement (9). Rose, 12 ans, se retrouve orpheline et habite avec son beau père et des deux frère et soeur utérins, Jacques Joseph et Louise. Son beau père Joseph convole en seconde noces le 29 février 1808, huit mois seulement après le décès de Magdeleine, avec une célibataire de 30 ans, Marie Dadillon. Le sentimentalisme n’est pas à l’ordre du jour dans les campagnes, il faut une femme pour aider l’homme et élever les enfants ….

En avril 1812, les frère et soeur de Rose meurent à trois jours d’intervalle. Cette fois ci, Rose est seule, tous les membres de sa famille directe sont décédés. Elle a 17 ans.

C’est toujours sous le prénom de Rose que la jeune fille, âgée de 21 ans, épouse le 21 janvier 1817 François Pineau, fils de mes ancêtres Louis François Pineau et Marie Pignon . Sont présents au mariage son cousin germain, Pierre Sauvage, fils du frère de sa mère, qui est venu de Biard, son parrain, un certain Jean Froment que je n’ai pas encore pu identifier avec précision – ce n’est pas comme si il n’y avait qu’un seul Jean Froment du côté de Cramard –  et son beau père Joseph Pineau.

Si on reprend la biographie succincte de l’abbé Rosières, Rose va avoir 10 enfants. Je n’ai à ce jour identifié que 7 naissances  :

  • Louise, née le 26 décembre 1817, qui épousera Joseph Garnier en 1839, la future vieille sacristine, la seule dont j’arrive actuellement à descendre la piste. Née 11 mois après le mariage de ses parents, elle est très certainement l’ainée de la fratrie
  • François, né le 2 septembre 1819
  • Joseph, né le 30 septembre 1820, mort le 15 aout 1821
  • Marie née le 17 septembre 1823, morte le 2 janvier 1824
  • Pierre, né le 28 octobre 1824
  • Louise née le 9 février 1829
  • Louis né le 29 août 1830, enfant posthume. Son père François est mort le 19 mai 1830 à Chalandray, il avait 36 ans.

Tous les enfants naissent à Cramard, pour certains d’entre eux le prénom déclaré de la mère est Madeleine, pour d’autres Rose … Mais le doute n’existe pas, il s’agit bien de la même personne.

Pour retrouver la trace de Rose Madeleine et de ses enfants survivants, j’ai épluché le recensement de Chalandray en 1836.

En page 9, j’y ai trouvé, partageant la même maison, Marie Pignon, veuve Robin, 78 ans, sage femme, et Madeleine Bourdin, veuve Pignon, 40 ans, journalière. Une fois de plus, je mettrais ma main à couper que l’agent chargé du recrutement s’est trompé dans les noms. Il est en effet clair qu’il s’agit de la veuve Pineau, et non Pignon. Pour en être sûre, j’ai vérifié qu’il n’y avait pas eu de mariage après 1830 entre une Madeleine Bourdin et un sieur Pignon quelconque …. En 1836, la belle mère et la belle fille partagent donc la même maison. Aucun des enfants de François Pineau et Madeleine Bourdin ne vit avec eux. La seule enfant dont j’ai retrouvé la trace dans ce recensement est Louise – la future femme Garnier – qui est à 18 ans  servante chez René Demeocq. Que sont devenus François, Pierre, Louise et le petit dernier, Louis, pour lesquels je ne trouve aucun acte de décès et qui ne sont pas sur ce recensement, pas plus que sur celui d’Ayron ?

Le 19 juin 1840, Rose Bourdin, dite Madeleine, décède à Cramard (9). C ‘est son gendre Joseph Garnier qui déclare le décès à la mairie d’Ayron. Madeleine avait 45 ans.

Ceci, ce sont les faits tels que les registres nous les racontent.

Je ne saurais dire si la foi de Madeleine était aussi démonstrative que l’abbé nous le raconte, mais au vu de la vie qui a été la sienne, je comprends qu’elle ait choisi, comme tant de femmes à l’époque, de chercher du réconfort dans la religion et l’espoir d’un au delà meilleur. Quand on compare le passage sur terre à une vallée de larmes, l’existence de Madeleine en est un parfait exemple.

De quoi Madeleine est elle morte ? Mes connaissances médicales ne me permettent pas de le dire.

Mais là où monsieur l’abbé a fait fort, c’est dans les dates qu’il donne. Il indique que Madeleine est décédée le jour de l’Ascension, et je comprends quel beau symbole c’est pour lui : tomber malade le jour du Vendredi Saint et décéder après de longues souffrances le Jeudi de l’Ascension, le timing est juste parfait pour marquer les esprits.

Mais les faits sont là, Madeleine n’est pas décédée le 29 mai 1840, mais le 19 juin 1840. A la décharge de l’abbé, la table récapitulative de 1840 peut prêter à confusion, mais le retour à l’acte aurait permis à l’abbé de ne pas faire cette erreur de débutant. Enfin, je vais dire que c’est une erreur de bonne foi, et pas une manipulation de la vérité pour servir de sombres desseins ……

Table des décès de 1840 - Chalandray
Table des décès de 1840 – Chalandray

 

C’est avec une photo prise en juillet du cimetière de Cramard, maintenant envahi par les herbes et les fleurs des champs, que je vais clore cet article. Cette recherche, que je pensais rapide, m’a en fait pris des jours, j’ai repris les actes de cette branche de ma famille, j’ai transcris, j’ai fait des lignes de vie, et j’ai avancé de trois générations dans ma lignée personnelle. Merci Madeleine.

Cimetière de Cramard, collection personnelle
Cimetière de Cramard, collection personnelle
Sources et liens
  • Rosière, Eugène-L. (Abbé)
    Monographie de Cramard, ancienne paroisse annexée à Chalandray, au doyenné de Vouillé, suivie d’une notice sur le pélerinage de Saint-Macoul, par M. l’abbé Eugène Rosière,… [Texte imprimé]. – Poitiers : impr. du « Courrier de la Vienne », 1914. – In-8° , 99 p..

http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb31247037q/ISBD

  1.  AD86 – NMD Cramard 1811-1820 – vue 32/129
  2. AD86 – MD Chalandray 1833-1842 – vue 40/117
  3. AD86 – NMD Ayron 1813-1822 – vue 71/143
  4. AD86 – MD Chalandray 1823-1832 – vue 98/110
  5. AD86 – NM Ayron 1793-1802 – vue 21/116
  6. AD86 – BMS Ayron 1740-1792 – vue 147/148
  7. AD86 – Décès ayron 1793-1802 – vue 35/62
  8. AD86 – NM Ayron 1793-1802 – vue 107/116
  9. AD86 – MD Chalandray 1833-1842 – vue 106/117

7 réponses à “Magdeleine Bourdin – 1795-1840”

  1. Beau travail de recherche!!! Comme toi je suis remontée trop loin trop vite comme nombre de débutant. Maintenant ce sont ces recherches même si elles ne concernent pas mes ancêtres qui me font vibrer!

    Magnifique photo de la croix du cimetière de Cramard

    1. Brigitte

      merci pour la photo, je transmettrai les félicitations à ma soeur. Il y a tellement d’histoires à raconter et de gens à faire revivre. J’essaie de raccrocher les personnes sur lesquelles je travaille à mon arbre pour l’instantn, mais le dépouillement systématique me fait tomber sur des événements que j’ai envie de faire revivre …. et tant pis pour les disgressions 🙂

      1. L’art de la digression, l’un des multiples plaisirs du généalogiste… Et du conteur !

  2. Beau travail de recherches et j’imagine en effet le temps que cela a pris.
    En plus, très bien relaté!
    J’ai également un article à faire sur le frère d’un ancêtre qui a été…béatifié…
    En Lorraine, des écrits de religieux relatent ses miracles.

  3. Tu vois le grand plaisir qu’on a lorsqu’on reconstitue les fratries et qu’on comprends qui est qui ! Quel beau travail, bravo ! J’ai également trouvé un ouvrage écrit sur Cherves-Châtelars au XVIIIème et XIXème siècles par un prêtre du coin. Ce sont généralement de vraies pépites.

    1. Brigitte

      je n’avais pas besoin d’etre convaincue, ca fait partie de ma « routine » pour remettre à plat ma généalogie. Comme toi je suis remontée trop vite trop loin, et maintenant je « colmate » touche par touche, et j’adore

  4. Tu as fait un travail de bénédictine, bravo !

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