L comme Louisa

Ecrit par

Brigitte Billard

Publié le

Temps de lecture : 7 minutes



Durant tout le mois de juin 2017, dans le cadre du Challenge AZ, je vous raconte la vie des ancêtres de mon arrière-grand-père Jean Joseph Billard.


C’est pas hasard que j’ai rencontré Louisa Paulin, alors que je faisais des recherches sur le village de Barre, dans le Tarn. Je lisais ce que la webmestre du blog Aux pays de mes ancêtres avait réuni comme informations sur l’histoire de la commune quand un paragraphe concernant les célébrités liées au village a attiré mon attention.

Extrait du site Aux pays de mes ancêtres

 

Paulin, Realmont, ces deux mots ensemble m’ont fait penser à Caroline Paulin, la seconde épouse de mon arrière grand-père Jean-Joseph Billard,  originaire de Realmont. Y aurait il un lien de parenté ?

Quelques recherches plus tard, Louisa Paulin a une famille, la famille maternelle de Georges Billard, le demi-frère de mon grand-père. Oui, Louisa Paulin est la soeur cadette de Caroline Paulin. 

Arbre familial de Louisa Paulin – Logiciel Heredis

Je vous avais raconté succinctement l’histoire de Caroline et Jean-Joseph, Caroline la jeune épouse qui avait abandonné famille, mari et enfant pour suivre un homme marié et vivre avec lui, rompant probablement définitivement avec sa famille. A l’époque je n’avais prêté que peu d’attention à la famille de Caroline, cette effrontée qui avait fait de mon arrière grand-mère Philomène une femme abandonnée …. 

Il est temps d’en savoir plus.

Louise Anastasie PAULIN, de l’enfance à la maladie

Louise nait le 2 décembre 1888 vers 22h au domicile de ses parents, Pierre Paulin, 36 ans, cordonnier, et Julie Marie Bardou, 30 ans, Boulevard de la Paix à Realmont. Toute sa vie officielle est résumée dans l’acte de naissance en ligne sur le site des archives du Tarn : son mariage en 1908, son divorce en 1912, son décès en 1944 (1).

Acte de naissance de Louise Paulin – AD81 – Naissances Realmont 1886-1888

Louisa appartient à une famille  largement implantée dans cette région du Tarn, où l’on parle occitan à la maison.

« Je suis née le 2 décembre, comme Francis Jammes, un dimanche, comme Mélisande, et en 1888 comme beaucoup d’autres gens… Mon pays est l’Albigeois et ma langue maternelle n’est pas le français, mais la langue d’oc. C’est en langue d’oc que j’ai entendu les premiers vers, ceux de nos chansons populaires. Et j’ai gardé de ma petite enfance le sentiment que la poésie n’est que chant et qu’elle ne saurait être le privilège de quelques-uns, mais le bien de tous, comme nos chansons populaires et les psaumes de nos offices. »

(2)

Quand elle va à l’école communale, c’est le français qu’on lui enseigne, à elle et à Catherine Caroline, sa soeur qui a 5 ans de plus qu’elle, et Fernand Auguste, son frère plus âgé de 4 ans. Le père est cordonnier et la famille habite successivement route de Castres, puis boulevard de la Paix.  

Realmont – Route de Castres – Collection privée

A la fin du siècle, son père change de profession et s’installe comme limonadier – entendez par là qu’il tient probablement un petit débit de boisson – sur la place de l’église. C’est là que nait un quatrième enfant dans la famille, un petit Yvan  (3). Au début de l’année 1901, Caroline, la soeur ainée, qui n’a que 17 ans, épouse Albert Vincens (4), et 9 mois et 2 semaines plus tard, elle met au monde dans son logement de la rue Droite, à Realmont, une petite fille, Andrée, qui n’a que 13 ans de moins que Louise (5).

Realmont – Place de l’église – Collection privée

C’est peu de temps après que ce qui ressemble pour l’instant à l’histoire simple d’une famille ordinaire va changer de dimension et prendre des accents dramatiques.

Yvan Paulin, le petit frère, meurt le 8 février 1903, il a à peine plus de 2 ans(6). Quelques semaines plus tard, le 14 avril 1903, Caroline met au monde son second enfant, qu’on prénomme Yvan Fernand, comme ses deux oncles (7). Mais le bébé meurt le 27 juillet de la même année (8). Le surlendemain, Fernand, qui n’a pas encore 19 ans, s’engage à Albi, à destination de l’Algérie, où il va servir dans le 6e régiment de chasseurs jusqu’au 29 juillet 1907, date de son retour en métropole (9). 

Et ça continue …

Pierre Paulin, le père de famille, meurt à l’âge de 51 ans seulement le 8 mars 1904 (10). Ses filles Caroline et Louise n’ont encore que respectivement 21 ans et 15 ans. Que de deuils et de départs autour d’elles en à peine plus d’une année. 

C’est à cette période que Caroline rencontre probablement mon arrière grand père Jean Joseph Billard dans les rues de Realmont. 

Louisa, elle, choisit la voie des études et entre à la rentrée 1904 à l’école normale d’institutrices d’Albi, pour trois ans.

Pendant ce temps, à Realmont, Caroline est tombée amoureuse et enceinte du fringant gendarme, et elle s’enfuit à Béziers où elle accouche le 19 juin 1906 d’un enfant déclaré dans un premier temps de père inconnu, un petit Georges (11), en laissant derrière elle son époux Albert Vincens, qui a repris le commerce de limonadier de son beau-père décédé  et avec qui vivent dans la maison de la place de l’église sa belle-mère Julie Bardou, sa fille Andrée Vincens, et sa belle-soeur Louisa Paulin, quand la jeune élève institutrice revient d’Albi pour les vacances. Une famille qui semble hétéroclite mais va apparemment faire front contre Caroline, laquelle va disparaitre de la vie familiale.

En 1907, Louisa a fini ses études d’institutrice et va être mutée dans différents petits villages du Tarn, dont le village de Barre. 

Le 24 septembre 1908, au moment de la nouvelle rentrée scolaire, Louisa épouse à Réalmont Louis Baptiste Calcel, instituteur comme elle, également en charge de l’école primaire – de garçons – de Barre. Il a 23 ans, elle en a 19. Un des quatre témoins des mariés est Albert Vincens, le beau-frère, l’homme abandonné par son épouse (12).

Très vite, la jeune femme est enceinte, et elle revient chez sa mère et son beau-frère, dans la maison de la place de l’église, pour mettre au monde le 27 juillet 1909 un petit Pierre Calcel (13). Mais dès que l’été est fini, il faut retourner à Barre, reprendre la classe, et Pierre est laissé en nourrice chez Victorine Ricard, au hameau de la Caussade. 

Louisa est à nouveau enceinte, au printemps 1910, quand son fils Pierre, qui n’a que 8 mois, meurt chez sa nourrice le 24 avril 1910 (14). Je ne peux imaginer ce que la maman a ressenti. Un mois jour pour jour plus tard, le 24 mai 1910, elle met au monde des jumeaux, André Max Calcel et Fernand Louis Calcel, dans la maison de sa mère à Realmont (15). La grossesse est-elle arrivée à terme ? Impossible de le savoir. C’est Julie Bardou, la grand-mère, qui va déclarer ses deux petits fils. Hélas, quelques heures après la naissance, le petit André meurt (16). Cette fois ci, Louisa ne retourne pas à Barre, elle s’installe à  Realmont et reste avec Fernand, le bébé survivant. Mais le 7 septembre 1910, Fernand Louis meurt à son tour(17).

En moins de deux ans, Louisa s’est mariée, a mis au monde trois enfants, et les a perdus. 

Son mariage n’a plus de sens, et les deux époux divorcent par jugement du 7 fevrier 1912 à Albi. Aucun des deux ne se remariera.

En 1912, Louisa s’installe à Tulle, en Corrèze, où elle a été nommée à l’école primaire supérieure. Elle va y rester 18 ans.

Pendant ce temps, Fernand le frère ainé est revenu d’Algérie en 1907, et après quelques années dans un régiment de hussards à Albi, il s’installe en 1910 à Paris, où il travaille comme comptable. C’est là qu’il épouse le 6 décembre 1910, en présence de sa mère qui a fait le voyage, Jeanne Thiousse (18). Le 3 août 1914, il est rappelé sous les drapeaux, et va faire toute la guerre, principalement dans l’artillerie avec le grade de maréchal des logis, puis maréchal des logis chef, jusqu’à sa démobilisation le 5 mars 1919. Atteint de tuberculose pulmonaire, il est réformé et pensionné à 100% à partir de décembre 1921. Il meurt à Carpentras le 15 décembre 1924 (19). 

Ligne de vie familiale de Louisa Paulin – partiel – sur un modèle d’Elise Lenoble
La maladie et l’oeuvre poétique

Louisa commence à écrire à Tulle, vers 1912, en langue française. En 1930, elle commence à ressentir les premières attaques d’une maladie qu’on ne connait pas, et qui a été depuis cataloguée comme une neuropathie amyloïde. Sa maladie l’empêche d’exercer correctement son métier, et elle doit revenir à Albi, puis à Realmont en 1932. Elle réapprend l’occitan, en suivant des cours au collège d’Occitanie et va à partir de là écrire en occitan des poèmes qui ont marqué sa région.

Elle meurt le 23 avril 1944, alors que la France est encore occupée par les armées allemandes.

Elle a connu de nombreux deuils, a traversé deux guerres terribles, et pourtant son oeuvre, qui a été récompensée de son vivant par de nombreux prix, est impregnée  d’espoir et de courage. 

En avril 2016, l’université Paul Valéry à Montpellier lui a consacré une journée d’études. Le collège de Realmont porte son nom. Ses oeuvres sont conservées à la médiathèque d’Albi.

Je découvre une femme exceptionnelle, qui sans être vraiment de ma famille appartient à l’histoire familiale élargie de mon grand père et de son demi frère.

En même temps, je m’interroge sur la maladie qui l’a emportée si jeune. Sa soeur Caroline Paulin est morte à seulement 51 ans, sa nièce Andrée Vincens est morte à 46 ans, son neveu Georges Billard est mort à 37 ans, et sa petite nièce Claudine Billard, la seule des enfants de Georges que j’ai pu retrouver jusqu’à présent est morte à 44 ans. Je ne connais pas la cause de la mort de chacun d’eux, mais je trouve troublante cette succession de décès très prématurés. Il y a un aspect génétique et familial dans la terrible maladie qui a emporté Louisa, et la possibilité que les cousins germains de papa en aient été atteints m’attriste profondément.

Quoiqu’il en soit, j’ai commandé son Journal et sa correspondance, et j’ai hâte de lire ce qu’elle a écrit et de faire plus précisément sa connaissance. La généalogie n’a pas fini de m’apporter son lot de surprises et de belles découvertes.

Sources, liens et remerciements
  • Aux pays de mes ancêtres, un blog à découvrir de toute urgence, une webmestre qui met en ligne sans aucune contrepartie de nombreuses photos et cartes postales anciennes personnelles
  • Louisa Paulin, un site créé par Les Amis de Louisa Paulin sur sa vie et ses poèmes
  • Vent Terral, maison d’édition tarnaise qui édite entre autres les oeuvres de Louisa Paulin
  • Louisa Paulin sur Wikipedia
  • Neuropathies amyloides familiales
  • [wpdm_package id=’12321′]
  1. AD81 – Naissances Realmont 1886-1888 – acte 53 vue 61/64
  2. Louisa Paulin de la vie à l’oeuvre – Université Paul Valéry, Montpellier – ISBN 978-2-85927-121-3
  3. AD81 – Naissances Realmont 1899-1902 – Acte 39 vue 35/74
  4. AD81 – Mariages Realmont 1901-1902 – acte 6 vue 6/51
  5. AD81 – Naissances Realmont 1899-1902 – acte 39 vue 52/74
  6. AD81 – Décès Realmont 1903-1905 – Acte 9 vue 4/66
  7. AD81 – Naissances Realmont 1903-1904 – acte 20 vue 7/37
  8. AD81 – Décès Realmont 1903-1905 – acte 47 vue 16/66
  9. AD81 – Registre matricule Tarn 1904 – Matricule 1244
  10. AD81 – Décès Realmont 1903-1905 – acte 15 vue 33/66
  11. AD34 – Naissances Beziers 1906 – acte 496
  12. AD81 – Mariages Realmont 1906-1908 – Acte 21 vue 62/67
  13. AD81 – Naissances Realmont 1907-1909 – acte 26 vue 42/53
  14. AD81 – Décès Realmont 1909-1911 – acte 13 vue 25/55
  15. AD81 – Naissances Realmont 1910-1913 – vue 4/56
  16. AD81 – Décès Realmont 1909-1911 – acte 18 vue 27/55
  17. AD81 – Décès Realmont 1909-1911 – acte 32 vue 31/55
  18. Archives Paris – Mariages Paris 13e 1910 – acte 1561
  19. Archives Carpentras – Acte de décès 229 Registre des décès de 1924

Une réponse à “L comme Louisa”

  1. La généalogie est passionnante. Elle élargit notre horizon, nous fait découvrir des sujets divers et variés
    Merci pour le partage de tes recherches et cette histoire émouvante.
    Louis Paulin serait elle ta Cora Millet-robinet

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