Une donation à Tourouzelle

Ecrit par

Brigitte Billard

Publié le

Temps de lecture : 5 minutes


Temps de lecture: 5 minutes

Le 20 avril 1879, Paul Moustelon, 62 ans, se rend à Olonzac, en l’étude de maitre Vidal, avec sa fille Marie Thélézine Arline, 36 ans, et son gendre Michel Firmin Billard, 42 ans. Ils viennent signer un acte par lequel Paul Moustelon donne la totalité de ses biens à sa fille, en échange d’une rente et de quelques autres compensations.

 

Paul est veuf depuis 4 ans, et il cohabite avec son gendre depuis 14 ans. Peut-être pense t’il qu’il est temps de se retirer des affaires et de laisser son gendre être le seul maître à bord.

 

Paul Moustelon est devenu propriétaire du moulin de Tourouzelle quand son père, Pierre André Moustelon, qui l’avait acheté en septembre 1825 , le lui a donné à l’occasion du contrat de mariage passé le 7 février 1842 avec Marie Elisa Frances. Paul Moustelon et son épouse ont eu quatre filles, mais seule l’ainée, qui signe Thérèse, est parvenue à l’âge adulte. Il n’y a personne pour lui contester l’héritage de son père.

Les différents aspects de la donation ont vraisemblablement été beaucoup discutés entre les parties, comme on peut le comprendre en lisant l’acte. Peu de choses semblent avoir été laissées de côté, comme s’il importait que tout soit réglé dans les moindres détails pour éviter de possibles conflits. Est-ce le signe qu’il y a un peu de friction entre le beau-père et son gendre, ou bien ai-je tendance à trop extrapoler à partir des simples clauses d’un document juridique ?

En ce jour d’avril 1879, Paul Moustelon se désaisit dans les mains de sa fille de la pleine et entière propriété de la totalité des biens qu’il possède en échange d’une rente annuelle de 2500 francs, payable d’avance par semestre, de 6 hectolitres de vin, livrables le cas échéant à Toulouse où il envisage de résider ponctuellement, des produits du jardin, du verger et de la basse-cour dont il aura besoin pour sa consommation personnelle, et de l’équivalent de quatre pièces dans la maison pour son usage personnel quand il résidera à Tourouzelle.

Pour éviter toute ambiguité, les biens qu’il donne sont énumérés avec précision, ce qui permet d’avoir une idée complète de son patrimoine immobilier, principalement professionnel, d’une partie du mobilier de la maison et des créances professionnelles qu’il détient, et qu’il appartiendra à sa fille de recouvrir.

L’inventaire du mobilier n’est pas aussi précis que lors d’un inventaire après décès, seules les pièces d’importance ont été mentionnées. On note malgré tout dans la description le mobilier de quatre chambres de maitre, de deux chambres de domestiques, d’un salon et d’une salle à manger, de linge de maison et de six couverts Ruolz estimés vingt francs[sic]. Le mobilier décrit ne suffit probablement pas à meubler la maison, qui d’après les cartes postales que j’en possède, est grande. Il est probable qu’il ne s’agisse que de ce qui appartient en propre à Paul Moustelon, et que dans la maison une partie du mobilier vienne de la succession de Marie Elisa Frances, la mère de Thérèse, qui en aura hérité 4 ans plus tôt.

En transcrivant cet acte dans son intégralité, je me suis attardée sur certains éléments.

  • Paul Moustelon doit recevoir une pension de 2500 francs l’an, en numéraire, payable par semestre. En page 9 de l’acte de donation, les droits d’enregistrement à verser pour l’acte sont calculés, à partir des revenus déclarés des différents biens immobiliers. Ces biens immobiliers génèrent un revenu annuel calculé – mais comment ? – de 3000 francs. J’ai du mal à comprendre d’après l’acte si les revenus de l’activité des deux moulins, à grain et de trituration du soufre, sont compris dans cette estimation. Une lecture rapide semblerait le faire croire, mais comment la donation pourrait elle intervenir contre la quasi totalité du revenu qui en découle ? Ce ne serait économiquement pas viable. J’ai tendance à penser que le revenu de l’activité commerciale des moulins n’est pas pris en compte, mais alors à quoi correspond le revenu annuel qui est estimé ?

 

  • Paul Moustelon indique qu’il envisage d’aller vivre de façon plus ou moins régulière à Toulouse, dans une maison que possède sa fille Thérèse, au 35 rue Desalbrès, dont elle lui laisserait l’usufruit. L’acte indique également que les enfants de Thérèse Moustelon sont pensionnaires à Toulouse. L’existence de cette maison et le fait que les ainés Billard soient pensionnaires à Toulouse en 1879 sont deux faits que j’ignorais totalement avant de transcrire l’acte. Me voici donc avec deux pistes supplémentaires :
    • une maison rue Desalbrès dont j’ignore l’origine et ce qu’elle est ensuite devenue
    • des enfants en pensionnat dans une des écoles de Toulouse, mais quels enfants et quelle école ?

J’ai bien sûr voulu localiser la maison sur le plan de Toulouse. Il semble que la rue Désalbrès n’existe plus, j’ai fini par la localiser dans un guide de voyage sur Toulouse trouvé sur Gallica.

Titre : Guide des étrangers dans Toulouse…
Éditeur : [s.n.?] (Toulouse)
Date d’édition : 1869
Grâce à la mention de la rue de la Poudrière, j’ai retrouvé le secteur de la ville où devait se trouver la maison, un secteur qui a beaucoup changé depuis 1876, non loin de la gare de Matabiau.

Bizarrement, la rue ne figure pas plus sur le plan des inondations de Toulouse de 1875. Pourtant l’adresse est confirmée par un courrier, trouvé dans le dossier des travaux du moulin aux archives de l’Aude. C’est un mystère sur lequel je me pencherai prochainement … Notez également que cette zone de Toulouse est proche du débarcadère, sur le canal du Midi …. et que le canal passe à Homps, à quelques encablures du moulin de Tourouzelle …. Des barques de poste pour le transport des voyageurs sillonnaient le canal au 19ème siècle, est-ce le moyen de transport qu’utilisaient mes ancêtres pour aller de Tourouzelle à Toulouse ?

Toulouse gare matabiau canal du midi postcard.jpg
Par Labouche Frères (publisher)
Pinpin (discussion · contributions) (scanner) — carte postale, Domaine public, Lien

Quant à la présence des enfants Billard en 1879 en pensionnat à Toulouse, que de questions …. S’agit-il des trois ainés, Elise, 13 ans, Paul, 11 ans, et Jean Joseph, mon arrière grand père, 6 ans ? Ou bien uniquement des deux plus grands ? Et comment retrouver ce pensionnat, ou plutôt probablement ces pensionnats, puisque j’imagine que les garçons sont dans un établissement, et la fille dans un autre ?


Le 21 août 1893, les époux Billard vendent le moulin de Tourouzelle, la maison et tout ce qu’elle contient à un certain Pierre Seguier. Paul Moustelon est lui toujours vivant, il habite les pièces qui lui sont réservées, reçoit la pension prévue. C’est l’acheteur qui se charge de verser sa pension à Paul Moustelon, qui meurt dans sa maison un peu moins d’un an plus tard, le 1er juillet 1894, à 77 ans.

Ce qui n’était au départ que la transcription d’un acte notarié vient de m’ouvrir de nouvelles pistes de recherches et de m’éclairer un peu plus sur la vie de mon arrière grand père, Jean Joseph Billard.


[geneanet-embed-individual url= »http://gw.geneanet.org/bsky92_w?iz=13006&n=moustelon&oc=0&p=paul+louis+barthelemie+philippe » link_type= »fiche » align= »center » /]
Aperçu généalogique
Branche Billard
Nom: Paul Moustelon
Parents: Pierre André Moustelon et Claire Boissezon
Epouse: Marie Eliza Frances
Lien de parenté: mon aïeul paternel à la 6e génération
  1. Paul Moustelon
  2. Marie Thérézine Moustelon
  3. Jean Joseph Billard
  4. Gaston Billard
  5. Gaston Billard
  6. moi
[wpdm_package id=’13522′]
Sources et liens
  • Titre :  Guide des étrangers dans Toulouse
    Éditeur :  [s.n.?] (Toulouse)
    Date d’édition :  1869
  • Archives de l’Hérault : Minutes de maitre Philémon Vidal, notaire à Olonzac
  • Archives de Toulouse – Plan de la ville de Toulouse J. Jourdan 1860

2 réponses à “Une donation à Tourouzelle”

  1. Formidable ! à partir d’un seul acte, ici une donation entre vifs, tu obtiens quantité d’informations et de détails qui te mettent sur de nouvelles pistes, qui elles-mêmes… et ainsi de suite : la généalogie est une histoire sans fin !

    1. Brigitte

      oui totalement sans fin ….. par moments, je me dis même que je ne vais plus continuer, parce que plus je cherche, et plus j’ai de questions …. bref, tu connais 🙂
      Merci pour le commentaire

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.


Continuez votre lecture

À propos de l’auteur :

Actualité

Mes services

Parlons ADN

Catégories

Rechercher

Archives

Membre de

Hébergement

Ce blog est hébergé depuis 2012 chez Infomaniak. Utilisez ce lien pour héberger vos blogs ou votre cloud sur leurs serveurs


Testez
MyHeritage

Abonnez-vous
au blog

Ne ratez plus nos mises à jour, inscrivez vous et vous recevrez un mail par semaine reprenant les derniers articles publiés sur le blog

Nous ne spammons pas ! Consultez notre politique de confidentialité pour plus d’informations.