Bernard Billard, maire d’Arques

Ecrit par

Brigitte Billard

Publié le

Temps de lecture : 6 minutes


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Tous les mois, Sophie Boudarel nous propose un thème d’écriture pour notre blog de généalogie. Ce mois-ci j’ai choisi de Sortir des sentiers battus en allant à la recherche de deux lettres de provision d’office aux Archives Nationales.


En Août 1692, Louis XIV, dans la 49e année de son règne, décide en son chateau de Versailles que les maires des villes du royaume, jusqu’alors  élus par leurs pairs dans chacune des villes, seront nommés par lui, avec une fonction perpétuelle. Cet édit est enregistré au parlement le 27 aout 1692.

Gallica – Édit… portant création de maires perpétuels et d’assesseurs dans les Hostels de Villes et communautez du Royaume… Registré en Parlement le 27 aoust 1692 (1)

Sur le papier, il s’agit de mettre fin aux cabales et pressions dont font semble t’il l’objet les maires élus des grandes villes.

Le soin que nous avons toujours pris de choisir les sujets les plus capables entre ceux qui nous ont esté présentés pour remplir la charge de maire dans les principales villes de notre royaume, n’a pas empeché que la cabale et les brigues n’ayent eu le plus souvent beaucoup de part à l’élection de ces magistrats; d’où il esr presque toujours arrivé, que les officiers ainsi élus, pour ménager les particuliers ausquels ils estoient redevables de leur employ, et ceux prevoyoient leur pouvoir succéder, ont surchargé les autres habitants des villes, et sur tout, ceux qui leur avoient refusé leurs suffrages.

(1)
Derrière les belles intentions du souverain, soucieux de permettre aux maires d’assurer les fonctions qu’il leur confère sans entraves venues de leurs administrés, il y a surtout un besoin financier majeur. Le Royaume de France n’est pas dans une situation glorieuse. Louis XIV vient de révoquer l’Edit de Nantes, la crise financière s’installe, et les récoltes des années 1690, 1691 et 1692 sont médiocres et n’assurent pas les besoins des populations. Le roi décide donc la création de ces offices, de procureurs, de secrétaires-greffiers et de maires dans les villes du royaume, sauf Lyon et Paris, contre monnaie sonnante et trébuchante.

A Arques, petite communauté du Languedoc, le sieur Bernard Billard, mon ancêtre, décide d’acquérir une de ces charges de maire, perpétuelle et héréditaire.

Né en 1660 d’une famille semble t’il aisée, il épouse le 12 juin 1691 à Saint-Martin-de-Villeraglan Jeanne Guiraud, elle aussi d’une famille de petits notables locaux (2). Est ce grâce à la dot de son épouse qu’il peut envisager l’achat d’une charge, ou bien avec l’héritage de sa mère Françoise Mans, morte le 22 mai 1697 à Arques (3)? Son père Estienne Billard est toujours vivant, et un acte de 1698 précise même qu’il est greffier consulaire, une autre charge vénale qu’il a probablement acquise à la même période que son fils. J’ignore comment Bernard Billard a financé l’achat de sa charge de maire, mais le 26 avril 1693, à Paris, est établie la provision d’office qui lui accorde, contre 600 livres plus les taxes habituelles – marc d’or et droit de sceau – la charge héréditaire de maire de la commune d’Arques dans la généralité de Toulouse (4).

Contre les 600 livres que va investir Bernard Billard, il va désormais recevoir 30 livres par an

aux gages de trente livres par an, dix livres sur ladite communauté pour les sommes imposéz et cy devant payée au premier consul pour ses gages ou livrées, et vingt livres dont sera laissé fond dans nos estats pour les gages des maires de la province de languedoc

(4)

et en plus des honneurs et fonctions dues à son nouveau rang, dont la détention d’une clef des archives de la ville, il sera exempté, lui et ses héritiers futurs, d’un certain nombre de taxes.

Voulons que lesdits Maires creés par le present Edit, soient exempts de tutelle & curatelle, de la taille personnelle dans nos Villes taillables, de guet et garde dans toutes nos Villes, du service du ban et de l’arrièreban, du logement de Gens de Guerre & autres charges & contributions, même des droits de Tarif qui se lèvent dans nos Villes abonnées & des octroys dans toutes nos Villes pour les denrées de leur provision.

(1)

Financièrement je pense que c’est ce paragraphe qui compte dans l’acquisition de l’office. Comment expliquer sinon un investissement de 600 livres et un revenu annuel de 30 livres, sans retour du capital ?  Le taux de 5% pourrait sembler intéressant sauf que si l’on conserve l’office, il n’y aura jamais de remboursement du capital.

En achetant cet office, Bernard Billard est donc désormais exempté de l’impôt foncier en vigueur dans le Languedoc, il n’a plus à payer pour le guet, plus à loger les armées le cas échéant, plus non plus à payer des droits d’octroi. Quant au ban et à l’arrière-ban, sous Louis XIV, ce qui était avant une obligation militaire est devenu une taxe, versée à proportion des revenus du gentilhomme qui aurait dû participer à la campagne militaire et qui au lieu de se rendre à la guerre va devoir verser une somme plutôt rondelette. Je ne sais pas si Bernard Billard détenait un fief, je n’ai rien vu qui me fasse le croire, mais si c’était le cas, ne plus risquer d’être appelé à financer une expédition militaire peut être une raison suffisante pour acquérir cet office de maire.

A partir de 1693, régulièrement, dans les actes du registre paroissial où il est mentionné, Bernard Billard est toujours qualifié de maire.

Mais en 1702, sans que je sache actuellement pourquoi, il revend son office à un certain Guillaume Gap. Je n’ai malheureusement pas encore l’acte notarié par lequel la charge a été cédée par Bernard à Guillaume Gap. C’est dans cet acte notarié passé probablement à Arques, Couiza ou Limoux, que je pourrai trouver le prix auquel l’office a été revendu.

J’ai en revanche la provision d’office, délivrée par le Roi, rédigée et signée à Versailles le 30 avril 1702, qui confie à Guillaume Gap cette charge de maire. Seules les taxes, à savoir 42 livres de marc d’or, 47 livres de sceau et 27 livres d’honoraires, sont indiquées sur l’acte, puisque la charge a été payée une première fois, et que la revente de cette charge est un acte civil qui ne passe plus par les caisses du royaume, du moins pour le principal. Les conditions auxquelles Guillaume Gap prend l’office sont totalement identiques à celles mentionnées pour Bernard Billard, c’est un remplacement pur et simple (5).

Alors, pourquoi Bernard, qui en 1702 est déjà le père de trois fils, revend t’il son office ? Pourtant, cet office est héréditaire, pourrait donc être transmis à son fils ainé survivant, ce qui conférerait à la branche en question la noblesse ? Bernard a t’il besoin d’argent pour une autre affaire ? Ou bien son père Estienne se faisant vieux – il va mourir un an plus tard, le 20 mars 1703, (6) va t’il lui transmettre la charge de greffier consulaire qu’il détient, et qui est elle aussi héréditaire ? En 1710, dans la liste de capitation de la commune d’Arques, Bernard est « greffier » et marchand bourgeois. Il semble donc qu’il a pris la suite de son père, et qu’il a donc renoncé aux fonctions de maire. Peut-être y avait il déjà l’époque une règle de non cumul des offices ?

Mais je suis perplexe sur le déroulement de ces événéments : qui d’Etienne ou de Bernard a pris en premier son office ? Etienne Billard n’a eu qu’un seul fils, Bernard. S’il a pris l’office de greffier en premier, pourquoi Bernard a t’il ensuite dépensé 600 livres pour un office de maire? Et si Bernard a pris son office en premier, pourquoi son père a t’il investi dans l’office de greffier consulaire ? Une recherche aux Archives Nationales de la provision d’office d’Etienne Billard me semble s’imposer.

La brève position de maire d’Arques de Bernard Billard lui a néanmoins permis d’avoir des armoiries – peut être était ce seulement son objectif ? – répertoriées dans le cabinet des titres.

Titre : VOLUMES RELIES du Cabinet des titres : recherches de noblesse, armoriaux, preuves, histoires généalogiques. Armorial général de France, dressé, en vertu de l’édit de 1696, parCharles D’HOZIER. (1697-1709). XV Languedoc, II.
Date d’édition : 1701-1800

Si vous voulez en savoir plus sur les sceaux, la notion de marc d’or et les provisions d’office, relisez l’article Scellé du grand sceau de cire jaune.

Aperçu généalogique
Branche Billard
Nom: Bernard Bilhard
Y-DNA: Haplogroupe J M172
Parents: Estienne Billard et Françoise Mans
Epouse: Jeanne Guiraud
Lien de parenté: mon ancêtre paternel à la 10e génération
  1. Bernard Bilhard
  2. Jean Bilhard
  3. Bernard Bilhard
  4. François Billard
  5. Jean-Pierre Billard
  6. Michel Firmin Billard
  7. Jean Joseph Billard
  8. Gaston Billard
  9. Gaston Billard
  10. moi
Sources et liens
  1. Gallica – Titre :  Édit… portant création de maires perpétuels et d’assesseurs dans les Hostels de Villes et communautez du Royaume… Registré en Parlement le 27 aoust 1692 Auteur :  Louis XIV (roi de France ; 1638-1715) Auteur :  France Date d’édition :  1692
  2. Archives départementales de l’Aude – BMS Saint-Martin-de-Villeraglan 1654-1749
  3. Archives départementales de l’Aude – BMS Arques 1675-1692
  4. Archives Nationales – Grande Chancellerie – Provisions d’office 1678-1790 – AN V/1/92 –  voir transcription téléchargeable
  5. Archives Nationales – Grande Chancellerie – Provisions d’office 1678-1790 – AN V/1/152 –  voir transcription téléchargeable
  6. Archives départementales de l’Aude – BMS Arques 1692 – 1705
  7. Provision d’office Bernard Billard [wpdm_package id=’13792′]
  8. Cession d’office Bernard Billard à Guillaume Gap [wpdm_package id=’13795′]

 


5 réponses à “Bernard Billard, maire d’Arques”

  1. Tant de questions auxquelles nous n’aurons pas de réponse… Mais cette histoire est forte intéressante. C’est toujours un régal de vous lire !

  2. Je rejoins Nat et Dominique, un vrai régal de lecture et de connaissances. Merci !

  3. J’apprends toujours tellement en te lisant … Merci

  4. Eh bien, je viens d’apprendre quantité de choses, rien qu’en lisant ce billet et celui auquel tu nous renvoies en fin d’article. Un grand merci pour toutes ces informations sur l’Ancien Régime.

    1. Brigitte

      J’ai moi aussi découvert beaucoup de choses en travaillant sur ce sujet, c’est ce qui fait l’intéret de ce genre de billets, d’ailleurs. Qu’on les écrive ou qu’on les lise chez les autres. Prends le temps de lire la transcription d’une des lettres de provision d’office, certaines clauses sont croquignolettes 🙂
      Merci pour le commentaire et le support
      Brigitte

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