A comme Angela

Ecrit par

Brigitte Billard

Publié le

Temps de lecture : 8 minutes




Aucun thème précis pour cette nouvelle participation du blog au Challenge AZ initié par Sophie Boudarel, de la Gazette des ancêtres, juste une promenade à la rencontre de personnes ou d’anecdotes rencontrées au cours de mes recherches



Angela Pittaluga est l’arrière grand mère de ma grand mère paternelle, ce qui fait d’elle la sosa 107, génération 7 de mes enfants.

Dans les pas d’Angela, je vous propose un voyage qui va de l’arrière pays montagneux de Gênes à la baie d’Alger.

Les origines gênoises

Le 25 décembre 1803, on célèbre Noël à Langasco, petite bourgade nichée dans les montagnes de Ligurie, et les cloches de l’église sonnent pour célébrer la Nativité, une fête de premier ordre dans ce pays profondément catholique.

Langasco-chiesa di san siro
Paroisse San Siro – Langasco

Depuis 1797, quand les armées de la nouvelle République Française ont renversé la prestigieuse, mais vieillissante République de Gênes, c’est une « république ligurienne » qui gouverne la région autour de Gênes. Plus pour longtemps, puisque en 1805, la jeune république ligurienne sera purement et simplement annexée à l’Empire français, avant d’être annexée au Royaume de Piémont-Sardaigne en 1814, après la chute de Napoléon Ier, français de naissance, et non gênois, parce que la République de Gênes avait en 1768, peu de temps avant la naissance du futur empereur, cédé à la France sa souveraineté sur l’ile de Corse.

Mais revenons à ce jour de Noël 1803, dans la maison de Giuseppe Pittaluga. Son épouse, Maria Parodi, âgée de 38 ans, vient de mettre au monde deux petites filles, des jumelles, Angela et Colomba.

Giuseppe et Maria sont mariés depuis 18 ans. Maria a déjà mis au monde au moins 8 enfants, dont au moins 3 sont morts en bas âge, avant la naissance des jumelles.

Si je connais un peu l’ascendance d’Angela, je le dois aux recherches partagées sur Geneanet par Daniela, une lointaine cousine, vivant en Italie, qui a semble t’il épluché les registres paroissiaux de cette région autour de Campomorone, dont sont originaires les ancêtres d’Angela. Qu’elle en soit ici encore une fois remerciée. J’espère pouvoir prochainement me rendre dans ces villages, pour aller prendre en photo les actes qu’elle a mentionnés et confirmer ainsi ses recherches.

Ascendance Heredis par villages
Cartographie des lieux de vie connus des ancêtres d’Angela, puis du couple Angela-Paolo en Italie

Pendant des siècles, l’ascendance d’Angela a vécu dans les petits villages montagneux, difficiles d’accès, autour de Campomorone, à la jonction entres les Alpes ligures et l’Appenin ligure. Les patronymes de Pittaluga et Parodi sont encore fréquents dans la région.

Je ne sais rien sur ce qui est arrivé aux parents d’Angela, ni à sa soeur Colomba. Certains registres napoléoniens de la région de Gênes sont en cours de numérisation et de mise en ligne, mais ils ne concernent pas mes villages pour l’instant.

Vers 1823 probablement, Angela, qui a à peine 20 ans, épouse Paolo Marchese, dont je ne connais pas la date de naissance, mais qui doit lui aussi avoir une vingtaine d’années. Paolo est le fils d’Andrea Marchese et de Teresa Persigo, et je n’ai pour l’instant pas été en mesure de retracer plus avant son histoire familiale.

J’imagine pourtant que le jeune couple s’est rencontré à Rivarolo, dans la proche banlieue de Gênes. Pourquoi Angela est elle partie de ses montagnes? Est elle partie seule, ou avec d’autres personnes de sa famille ?

Voici comment on décrit Rivarolo en 1834, à l’époque où Angela et sa famille y habitent.

RIVAROLO, chef-lieu de district de la province DIOC. et div. de Gênes. C’est sur la route royale, un mistral de Gênes, à trois milles de distance. Rivarolo, village remarquable et agréable, est divisé en bas et en haut. Il est composé de cinq paroisses, à savoir celles de Rivarolo, Certosa, Murta , Begato et Geminiano. Les districts de Costa, Teglia et Garbo sont regroupés au premier. Dans le bas Rivarolo se trouve la Certosa; dans la partie supérieure se trouvent l’église paroissiale, une église et un couvent de franciscains déchaussés, qui se dressent dans un site très agréable. Rivarolo en tant que chef de district a soumis les municipalités de s. Pier d’Arena , du Brésil et s. Olcese. Entre le bas et le haut Rivarolo passe le ruisseau Turbella, qui descend de la montagne des deux frères; cela aide à fertiliser l’agro de cette capitale de district; qui, s’il ne produit pas une grande quantité de céréales, fournit de nombreux bons fruits et du foin, de nombreux bovins, chevaux, mulets, ânes et même des moutons et des chèvres, dont les produits sont remarquables, peuvent être entretenus. »
Goffredo Casalis , « Dictionnaire géographique, historique, statistique et commercial des États de SM le roi de Sardaigne », 1834 )
Traduction automatique Google Trad

C’est à l’église de Santa Maria Assunta que sont baptisés les enfants du couple, entre 1824 et 1836 :

  • Marie Emmanuelle Marchese, la grand mère de ma grand mère, née elle aussi un 25 décembre de l’année 1824, le jour anniversaire des 21 ans de sa jeune maman
  • Teresia, née le 18 mars 1829
  • Les jumelles Anna et Anne Marie, nées le 8 mars 1834, pour lesquelles j’aimerais tellement trouver l’acte de naissance, ou de baptême, et enfin mettre fin au questionnement que j’ai depuis des années sur une éventuelle usurpation d’identité. Il faut dire que le parcours d’Anna est très aventureux, plus que celui de sa supposée jumelle ….
  • Joseph né le 29 juin 1836
Eglise Santa Maria Assunta

Peut-être Angela a t’elle eu d’autres enfants. Je ne connais que ceux qui un jour ont fait le voyage vers l’Algérie et y ont eu une descendance.

Les Gênois et l’Algérie, une longue histoire commune

Les Gênois sont des voyageurs, des marins, des commerçants, des pêcheurs, et quitter leur pays fait quasiment partie de leur ADN.

En Algérie et plus particulièrement dans le golfe de Stora les pêcheurs européens ont précédé de très loin les colons et même l’armée française car bien avant 1830 la faune marine, très riche en espèces, avait attiré d’importantes flottilles de diverses nationalités. C’est ainsi que des escadrilles marseillaises et génoises vinrent pendant des siècles pour la récolte du corail et des éponges qui se trouvaient disséminés sur la côte

Dans un article trouvé dans la Revue algérienne et coloniale de 1860, lu sur Gallica, je trouve quelques éléments de la longue histoire entre Gênes et l’Algérie. Il semble que les Gênois se soient installés sur l’ile de Tabarka dès le milieu du 12è siècle, pour y pêcher le corail et y installer une sorte de comptoir marchand. En 1543 le lieu devient la propriété exclusive d’une famille gênoise, qui au fil du temps y construit une forteresse. En 1724, l’île compte environ 1500 habitants et une garnison de 80 soldats et s’est spécialisée dans la pêche du corail, extrêmement rentable.

Le fort gênois de Tabarka

Après la capitulation du Dey d’Alger le 5 juillet 1830, c’est tout naturellement que les Italiens, habitués des côtes algériennes, vont fuir la situation politique compliquée de leur pays et la pauvreté économique, pour s’installer en famille sur les côtes. Contrairement aux Espagnols, qui partent plus volontiers travailler dans l’intérieur du pays dans les exploitations agricoles qui commencent à se mettre en place au fur et à mesure que l’armée française prend possession de l’arrière-pays, les Italiens cherchent à rester sur la côte, et de préférence dans les grandes villes, même quand ils ne sont pas pêcheurs.

Angela Pittaluga, un nouveau départ en Algérie

Paolo Marchese n’était a priori pas un pêcheur, du moins en Algérie dans les actes qui le mentionnent, il est dit cultivateur, et le seul fils que je lui connais, Joseph, sera cocher, puis propriétaire de voitures.

La famille de Paolo et Angela part à Alger en plusieurs étapes, probablement deux.

C’est tout d’abord Marie Emmanuelle, la fille ainée, qui vient vivre à Alger, et y travaille comme domestique. Est elle partie avec son futur époux Francesco Risso, originaire lui aussi d’une des banlieues de Gênes ? L’a t’elle rencontré sur place ? Est-elle partie pour suivre un employeur qui allait s’établir à Alger ? C’est un mystère que je tente de résoudre en étudiant l’entourage de Marie Emmanuelle au moment de son mariage.

Quand Marie Emmanuelle et Francesco se marient le 24 novembre 1846 à Alger, elle a 21 ans, elle est domestique, et habite au 3 rue Cleopatre, il a 30 ans, il est jardinier, et habite à Bab-El-Oued. Le père de Francesco, Stefano Risso, vit à Gênes et a donné son accord au mariage par acte passé devant notaire, à Gênes. Quant à Paolo et Angela, ils habitent encore à Rivarolo, et consentent au mariage de leur fille par acte passé également devant notaire. Les jeunes époux ne parlent encore qu’italien, personne de leur famille n’est apparemment avec eux à Alger, et ils sont assistés par un interprète assermenté.

Trois ans plus tard, le 24 novembre 1849, une des deux jumelles, Anne Marie Marchese, qui n’a pas encore 16 ans, épouse à Alger François Todeschini, italien originaire de la région de Côme. Cette fois ci, les parents de la future épouse sont présents. Paolo et Angela vivent avec leur fille – et j’imagine le reste de leurs enfants non encore mariés – à Bab-el-Oued.

Gallica – Titre :  Alger. – Vue et plan de la ville d’Alger. Carte de la province
Date d’édition :  1830

Angela Pittaluga et sa famille ont donc fait le voyage de Gênes à Alger entre 1847 et 1849.

Bab-el-Oued, quand ils y arrivent, n’est encore qu’un village dans lequel vont principalement venir habiter les immigrants européens, les petits blancs, un melting pot européen, non indigène, qui va être à l’origine de la culture pied-noir : mélange de cultures méditerrannéennes, qui s’approprie toutes les cuisines, y compris la cuisine locale, le couscous et le méchoui, et qui à partir de toutes les langues d’origine de ces nouveaux immigrants va créer le pataouète et faire fleurir cet accent pied-noir, si reconnaissable, cet accent que papa n’a jamais perdu.

Bab-el-Oued, où Francesco Risso, le grand père de ma grand mère paternelle, vivait dès 1846, 110 ans avant ma naissance à Alger, un peu plus loin dans la ville, à la Clinique des Orangers. Mes racines pied-noir sont plus profondes que je le croyais petite fille.

En mai 1852, quand Teresia épouse Thomas Bertot, elle vit encore chez ses parents, à Bab-el-Oued.

Mais Angela et son mari ne restent pas à Bab-el-Oued. Début décembre 1852, ils habitent à Kouba, sur les hauteurs d’Alger, chez un certain « sieur Billette », que je n’ai pas encore pu identifier, mais qui pourrait être commissaire priseur. Paolo y est journalier, Angela est ménagère. Travaillent ils pour lui, ou sont ils simplement locataires d’une chambre dans sa maison?

La situation sanitaire à Alger est problématique, les épidémies de choléra se succèdent. En 1850, une épidémie importante a fait près de 250 morts dans la ville.

Il n’y a a priori pas d’épidémie de choléra, ou d’épidémie répertoriée dans les documents que j’ai pu consulter en décembre 1852.

Pourtant le 4 ou 5 décembre 1852, Paolo Marchese, 54 ans, et Angela Pittaluga, 48 ans, sont tous les deux à l’hôpital civil d’Alger, connu par la suite sous le nom d’hôpital Mustapha. Pourquoi ont ils été tous les deux hospitalisés, en même temps ? Maladie ? Accident ? Crime ?

A 9h45 du matin, le 5 décembre, deux infirmiers de l’hôpital de Mustapha apportent un « billet de décès » établi par le directeur de l’hôpital. Paolo Marchese est mort le jour même, aux petites heures du matin.

Le lendemain 6 décembre, à 12h15, les deux mêmes infirmiers reviennent à la mairie d’Alger, porteurs cette fois du « billet de décès » concernant Angela – Jeanne sur l’acte – Pittaluga, veuve de Paolo Marchese, décèdée la veille 5 décembre 1852 à 18h.

Trois de leurs enfants : Marie Emmanuelle, Marie Anne et Teresia – sont mariés. Anna a 18 ans, mais elle a quitté le domicile de ses parents depuis un certain temps. Elle a en effet mis au monde le 25 août 1851 à La Calle une petite fille, qui est légitimée presque deux ans plus tard, en juin 1853 à Mouzaïa, quand Anna épouse Joseph Peila, sans qu’aucune personne de sa famille ne soit présente.

Quant à Joseph, le seul fils, il a 16 ans quand ses parents décèdent. A cette époque, et dans ce milieu social, c’est un âge où on doit se prendre en charge.

Il m’est difficile d’en savoir plus sur Angela en Algérie. Les sources disponibles sont moins nombreuses que sur la même période en France métropolitaine. Quant à sa vie en Italie avant son départ, je me heurte là aussi à une absence de données en ligne, pour en savoir plus sur ses parents, ses frères et soeurs. Ont ils eux aussi quitté Langasco ? Quand ? Pour aller où?

Peut être en saurai je plus un jour grâce aux analyses ADN que j’ai faites. J’ai déjà une correspondance confirmée et totalement sourcée avec un descendant d’Anne Marie Marchese. Une autre correspondance pointe vers un frère d’Angela, dont les descendants sont partis aux Etats Unis au début du 20ème siècle. Peut-être l’ADN m’aidera t’il à ajouter un ou plusieurs nouveaux chapitres à la vie d’Angela, dont je porte encore quelques segments identifiables d’ADN …..


Aperçu généalogique
Branche Billard
Nom: Angela Pittaluga
Parents: Giuseppe Pittaluga et Maria Parodi
Epoux: Paolo Marchese
Lien de parenté: mon arrière arrière arrière grand mère
  1. Angela Pittaluga
  2. Marie Emmanuelle Marchese
  3. François Risse
  4. Marcelle Risse
  5. Gaston Billard
  6. moi

Sources et liens


9 réponses à “A comme Angela”

  1. Lecture très intéressante et instructive. Merci pour ce beau voyage. On a envie d’en savoir plus, vivement le voyage en Italie 🙂

  2. Diane

    Bravo Brigitte! Toujours un plaisir de te lire 🙂

  3. Une belle invitation au voyage ! Tu nous gâtes avec ton article particulièrement bien documenté ! Vivement la suite pour découvrir de nouvelles ancêtres féminines !

  4. Très bel article, toujours aussi bien documenté, voyage garanti!

  5. Un très riche billet pour commencer ce #ChallengeAZ, bravo Brigitte pour les recherches et le rendu très agréable à lire !

  6. Bravo pour cet article très bien documenté.

  7. Vive les femmes ! Un beau premier article,  » à la Brigitte ».

  8. Bravo pour cet article ! Et quel voyage … Merci 🙂

  9. Bravo pour ce bel article ! Tu as déjà collecté beaucoup d’informations qui, comme cela est souvent le cas, ouvrent de nouvelles pistes et donnent envie d’en savoir davantage. Si tous tes billets du challenge sont de la même veine, j’ai de beaux moments de lecture en perspective et je m’en réjouis par avance. Encore bravo !

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